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 Les quatre vérités - Yphirendi

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Scilia
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Scilia


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Les quatre vérités - Yphirendi Empty
MessageSujet: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitimeDim 12 Sep - 21:21

Les Quatre Vérités



Disclaimer : Les personnages de The Sentinel ne m’appartiennent pas. Et c’est bien dommage, tiens… N’empêche que je n’ai écrit cette histoire que pour le plaisir et ma seule récompense, ce sont vos commentaires.

Style : Slash, mais très soft. De toutes façons, je préfère les beaux sentiments.

Résumé : Blair termine sa formation à l’Académie, Jim est sur une enquête qu’il débute avec Megan : un jeune garçon a été enlevé par son père… un jeune garçon pas comme les autres. Tandis que la Sentinelle et son Guide se lancent sur ses traces, ils vont découvrir sur eux-mêmes un certain nombre de vérités.

Auteur : Yphirendi

Note de l'auteur : Ma première fic slash. C’est parti, comme ça, je n’ai pas pu faire autrement, mais ça me titillait depuis un moment.


~~~~~~~~ Prologue ~~~~~~~~


Cassie Welles était surprise de voir combien les choses semblaient devoir toujours rester les mêmes au commissariat de Cascade. Elle ne l'avait quitté que depuis quelques mois, néanmoins, c'était toujours la même bonne vieille routine et des visages presque tous familiers. Elle était juste venue récupérer des dossiers dont elle avait besoin pour une affaire sur laquelle elle enquêtait à Portland. Elle espérait aussi pouvoir saluer Jim Ellison et Blair Sandburg. Elle leur devait énormément à tous les deux. Mais elle fut déçue de ne les voir ni l'un ni l'autre à leur bureau. Comme elle allait repartir, elle fut abordée par une grande jeune femme qui la salua avec un accent australien.

— Bonjour, puis-je vous aider ?

— J'aurais aimé voir Jim Ellison et Blair Sandburg.

— Et vous êtes ?

— J'ai travaillé ici quelque temps, au service médico-légal. Mon nom est Cassie Welles.

— Blair m'a en effet déjà parlé de vous. Enchantée, je suis Megan Connor. Malheureusement, Jim et Blair ne seront pas de retour avant un moment. Jim est sur une enquête et Blair…

Le cœur de Cassie bondit dans sa poitrine. Elle imagina tout de suite le pire, d'où sa stupeur quand Megan lui annonça :

— Il suit actuellement des cours à l'Académie de Police.

— Vous voulez dire qu'il donne des cours, réagit-elle, ce qui fit sourire son interlocutrice.

— Ne vous en faites pas, même moi, ça me fait toujours drôle. Non, non, Blair est bien entré à l'Académie de Police. C'est une longue histoire… Mais, dites-moi, que diriez-vous de déjeuner avec moi ? Je serai assez curieuse de discuter avec une amie de ces deux phénomènes, fit Megan avec une lueur amusée dans le regard. Cette proposition plut immédiatement à Cassie.

— Vous m'en direz tant. Je crois en effet que nous avons des choses à nous dire.

La jeune Australienne alla chercher son manteau et elles quittèrent toutes les deux le central. Megan suggéra à sa collègue un petit restaurant chinois à deux pas de là et elles s'y rendirent à pieds en discutant de choses et d'autres, afin de mieux se connaître. Une fois dans le restaurant et installées, les deux jeunes femmes entrèrent immédiatement dans le vif du sujet en attendant qu'un serveur leur apporte le menu.

— Vous avez travaillé longtemps avec ce duo ? demanda Megan.

— Non, pas vraiment, et puis, c'était assez particulier. Disons que je prenais à chaque fois l'initiative d'enquêtes qu'on confiait généralement à Jim. J'étais… dans ses pattes, pour reprendre une de ses expressions.

— Voilà des mots qui me sont familiers. Même quand c'est officiel, Jim déteste qu'on vienne marcher sur ses plates-bandes. Je pensais avoir fait mes preuves et ne plus faire figure de pièce rapportée, mais j'ai toujours l'impression d'être la cinquième roue du carrosse, avec lui, alors que je suis un excellent flic.

— Tout à fait, approuva Cassie avec un vigoureux hochement de tête et elles éclatèrent toutes les deux de rire.

— Je suis contente de constater que Jim réagit toujours de la même façon avec les femmes policiers et non pas seulement avec moi, ajouta Megan.

— Oui, c'est à se demander d'ailleurs comment Blair a réussi à l'apprivoiser.

— Si vous voulez mon avis, il y a quelque chose de particulier entre ces deux-là. acceptées

Cassie se contenta d'opiner, l'air songeur. Elle affecta de se plonger dans le menu que le serveur leur avait apporté. Un silence un peu gêné s'instaura entre les deux femmes.

Pour relancer la conversation, Megan expliqua brièvement comment Blair était entré dans la police. L'histoire de la soi-disant thèse de Blair sur les Sentinelles aviva aussitôt la curiosité de Cassie.

— Je n'ai jamais pu tirer cela tout à fait au clair, se déroba la jeune Australienne avec un raclement de gorge gêné. Vous savez, Jim fait tout de même un travail remarquable et c'est en tant que flic qu'il veut être reconnu et non en tant que phénomène de foire. J'ai bien cru d'ailleurs que cette histoire allait mettre fin à leur amitié.

— Le revirement de Blair est en tous cas vraiment surprenant, constata Cassie. Il semblait prendre son travail à l'université très à cœur.

— Moui, les choses n'ont tout de même plus été les mêmes après qu'il a failli mourir noyé dans une fontaine du campus. En fait, de l'avis des médecins à ce moment-là, il était vraiment mort. Il avait été agressé par une terroriste qui s'est servi de lui pour des raisons que j'ignore. Et… Jim l'a ramené à la vie sous mes yeux. Je vous jure que ça fait un drôle d'effet. Sandy est un garçon vraiment adorable. Le voir étendu sur cette pelouse est un spectacle que je n'oublierai jamais, comme de le voir… ressusciter. Je n'oublierai pas non plus le regard de Jim quand on l'a découvert.

Megan se tut, l'air rêveur.

— Je ne l'ai jamais vu avoir un tel regard pour une femme, murmura-t-elle comme pour elle-même. Cassie saisit la balle au bond, cette fois-ci.

— Je suppose qu'à nous entendre, on pourrait croire qu'on dénigre nos collègues, mais… Il y a un truc qui me chiffonne depuis un moment déjà et puisque j'ai l'occasion de vous en parler… J'aimerais autant que cette conversation reste entre nous…

— Je comprends ce que vous voulez dire. J'ai aussi besoin… d'en parler à quelqu'un pour être certaine que ce n'est pas mon imagination, approuva sa collègue. Cassie sut aussitôt qu'elles étaient sur la même longueur d'onde.

— Quand j'ai commencé à travailler avec Jim, j'ai… flirté avec Blair, confia-t-elle. Nous avons passé de plus en plus de temps ensemble, car nous travaillions en plus sur une affaire à propos d'un trésor caché par des francs-maçons. Une fois, je suis allée au loft pour aider Blair à décrypter un code qu'il avait découvert. Jim n'a pas eu l'air d'apprécier. Il était plus acariâtre que d'habitude. Il est allé se coucher, mais tandis qu'il remontait, j'ai croisé son regard et j'ai cru y lire… de la jalousie. J'ai d'abord pensé qu'il était jaloux de Blair, parce qu'il était avec moi, et puis… j'ai changé d'avis après une autre visite au loft. Il était assez tard, mais je venais d'avoir une idée sur l'affaire et je ne pouvais pas attendre pour leur en parler. Quand j'ai sonné, c'est Blair qui m'a ouvert. Le pauvre avait l'air complètement endormi. Je m'en souviens très bien, il ne portait qu'un caleçon avec… – Cassie ne put réprimer un sourire – des petits singes qui dansaient la sarabande. Jim est arrivé aussitôt après. On a commencé à discuter, je leur ai fait part de mes théories. Et puis, au milieu de la conversation, j'ai noté soudain un détail qui m'a fait un drôle d'effet. Jim était appuyé contre la porte, juste derrière Blair. Lui aussi était torse nu et même en caleçon. Ni lui, ni Blair ne semblaient se rendre compte du tableau qu'ils offraient. Et j'ajouterai même, fit Cassie un ton en dessous en se penchant vers Megan, qu'ils avaient tout l'air d'un couple dérangé au saut du lit. Mon Dieu, je dois vous donner l'impression de colporter des ragots.

Elle secoua la tête. Elle détestait entendre des collègues parler dans le dos d'autres flics, et voilà qu'elle était en train de faire la même chose avec une parfaite inconnue. Cependant, elle avait besoin d'en parler, sans savoir exactement pourquoi, et était certaine que Megan était la bonne personne… parce qu'elle faisait encore partie du monde de Blair et Jim. Et alors, se demanda-t-elle, pourquoi cela avait-il une telle importance ? Elle hésita. Mieux valait probablement se taire. Pourtant, elle poursuivit.

— Une fois l'affaire résolue, Jim, Blair et moi avons eu une drôle de conversation, au terme de laquelle Jim nous a suggéré que le mieux était qu'on reste bons amis. Seulement, ce n'est pas exactement ce que j'ai entendu derrière ces mots. J'avais plutôt l'impression de comprendre que Jim ne laisserait personne s'immiscer entre lui et Blair. Là encore, je me suis dit que c'était mon imagination. Cependant, je me suis éloignée de Blair. De toutes façons, je dois admettre que je voulais rendre Jim jaloux, le faire sortir de ses gonds. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi… sous contrôle. Il veut toujours tout diriger, donner des ordres, avoir raison. Et le pire, c'est qu'il a toujours raison.

— Il a un instinct incroyable, c'est vrai, approuva Megan. C'est carrément horripilant. Vous savez, j'ai essayé la même tactique. Mais sans que je m'en rende compte, Jim a réussi à me mettre sur la touche. Et Blair n'a rien fait pour l'en empêcher, à dire vrai. Il est resté toujours très gentil avec moi, mais j'ai bien senti… comment dire… que je n'avais plus ma chance. De toutes façons, j'ai moi aussi accumulé quelques indices de mon côté et je peux vous dire qu'entre eux deux, il n'y a pas que de l'amitié. C'est beaucoup plus fort que ça.

Cassie sentit une nouvelle fois que sa collègue lui cachait quelque chose. Elle était pourtant sincère et désireuse elle aussi de parler de cette… affaire. Les lèvres de Cassie se pincèrent. Quelle affaire ? Elles n'enquêtaient pas sur une affaire criminelle, mais sur deux hommes qu'elles appréciaient toutes les deux énormément. Ils n'avaient commis aucun délit ! Et s'il y avait effectivement quelque chose entre eux, était-ce condamnable ? Surtout venant de la part d'un homme si imbu de probité que Jim Ellison et si adorable et candide que Blair Sandburg. Ils prenaient tous les deux soins l'un de l'autre avec une constance qui forçait l'admiration. Elle n'avait jamais pu espérer une telle chose des hommes avec qui elle avait eu une liaison. Non, on ne pouvait absolument rien leur reprocher.

— Nous devrions peut-être en rester là, proposa-t-elle. Megan approuva d'un vague sourire. Vous les saluerez de ma part quand vous les verrez. Et dites-leur… que je leur souhaite bonne chance.

— Ils ont vos coordonnées à Portland ?

Cassie chercha dans son sac et tendit une carte à sa collègue en précisant :

— Elle peut aussi vous servir. Je sais ce que c'est que de devoir évoluer dans ce milieu macho, alors, si vous voulez parler… de femme à femme… Et puis ça me fera plaisir d'avoir de vos nouvelles. Jim me dira sans doute toujours que tout va bien, mais je compte sur vous pour être un peu plus… objective.

Elles poursuivirent leur conversation sur des sujets anodins, puis Cassie prit congé de Megan pour reprendre la route et rentrer à Portland.

~~~~~~~~ Chapitre I ~~~~~~~~

Megan ne cessa pas de songer à cette conversation pendant tout le reste de la journée. C'était un réel soulagement d'avoir pu parler avec une autre femme qui avait côtoyé Jim et Blair… et de se rendre compte qu'elle n'était pas la seule à se faire des idées. D'ailleurs, en était-ce ? Trop de preuves s'accumulaient pour que ses soupçons ne deviennent pas des certitudes. Comme elle allait quitter son bureau, elle vit Ellison entrer et se diriger vers la machine à café. Bon sang, il en imposait. Impossible de ne pas le remarquer quand il entrait dans une pièce. Sa démarche féline, sa haute stature, sa façon de saluer les uns et les autres avec un mot gentil. On ne pouvait qu'être sensible à son charme et à la force qui se dégageait de lui. C'était un homme en qui on pouvait avoir confiance. Megan lui avait déjà confié sa vie à plusieurs reprises et le referait sans la moindre hésitation. Elle devait le fixer avec insistance, car il remarqua son regard et se dirigea droit vers elle.

— Eh ! Connor, j'ai un bouton sur le nez ?

— Je… euh… non. J'ai un message pour vous, de la part d'une certaine Cassie Welles. Elle était ici dans la matinée, mais elle a dû repartir assez rapidement à Portland.

— Que voulait-elle ?

Etait-ce un jeu de son imagination ou Jim semblait soudain presque tendu.

— Juste vous saluer. Elle était désolée de ne pas vous revoir. Et… elle m'a dit de vous souhaiter bonne chance.

— C'est tout ? Bonne chance pour quoi ?

Megan haussa les épaules.

— C'est plutôt sympa, non ? Je ne pensais pas que vous pouviez laisser un aussi bon souvenir à un de vos collègues féminins.

Et c'était reparti ! Elle ne pouvait pas s'empêcher de lui lancer des piques. Mais elle adorait voir ses yeux bleus lancer des éclairs comme à l'instant.

— Je sais être un gentleman, rétorqua-t-il.

— Oh ! vous devez oublier le mode d'emploi entre votre loft et ici dès que vous savez que vous me verrez, alors.

— Ellison, Connor, dans mon bureau ! les interrompit la voix si reconnaissable de leur bien-aimé chef. Et tout de suite, ajouta-t-il en voyant qu'ils continuaient à s'affronter du regard. Ils ne purent que s'exécuter.

***

Voilà un malfrat de plus derrière les barreaux, songea Jim en suivant du regard Umberto Sierra – alias Berto – qu'il venait d'interpeller avec Megan et qu'on emmenait de force dans une voiture de police. Il beuglait à pleins poumons qu'il était innocent et qu'on était en train de commettre une injustice. Les yeux d'Ellison revinrent sur son ex-femme qui l'avait dénoncé. Un gamin d'une douzaine d'années était blotti contre elle et fixait la scène d'un air stupéfait. Bon sang, il aurait préféré que le gosse ne voit pas son père partir comme ça. Mais sans l'intervention de la police, sa mère et lui seraient morts à cette heure. Sierra était un dingue, une pourriture qui était venu arracher son fils à son ex. Il comptait se servir de lui comme paravent pour ses trafics. Qui irait soupçonner qu'un gamin pouvait transporter de la coke ? Sans la présence d'esprit de sa mère, celui-là aurait sombré dans l'univers de la drogue sans espoir de retour.

— Beau boulot, Connor, lança Jim à l'adresse de sa collègue qui passait devant lui. Elle le fixa avec étonnement et se contenta de hocher la tête. C'était Megan qui avait su instaurer un climat de confiance avec l'ex de Berto. Elle était allée l'interroger quelques jours plus tôt et avait trouvé les mots justes, alors que Jim, quand il lui avait lui-même rendu visite, s'était heurté à un mur. Je manque de diplomatie, songea-t-il en souriant, car c'était le genre d'expressions qu'aimait Blair. Ça lui manquait de ne pas pouvoir travailler avec lui sur le terrain. Il aurait sans doute agi comme Connor. Il savait écouter les gens beaucoup mieux que Jim ne saurait le faire, parce qu'il les entendait avec son cœur et pas avec une ouïe hyper développée. Ellison rejoignit la mère et l'enfant à qui Megan était en train d'expliquer qu'on allait leur faire bénéficier du programme de la protection des témoins. Sierra n'était qu'un second couteau et son employeur avait certainement les moyens de payer sa caution. La police n'avait que quelques heures devant elle pour mettre son ex et son fils en lieu sûr. Deux policiers en uniforme vinrent les chercher pour les conduire dans une des maisons qui servaient pour ce genre de circonstance. Megan les regarda s'éloigner avec une drôle d'expression.

— Bryan n'ira pas à l'école comme d'habitude demain, murmura-t-elle.

— Ça aurait aussi été le cas si son père avait pu l'enlever, rétorqua Jim.

— Vous êtes toujours aussi… pragmatique ? Quand est-ce que vous vous laissez aller, Ellison ?

— Jamais pendant le service, en tous cas, lui répondit-il d'un air pincé.

— Reste à savoir quand vous arrêtez d'être en service. Je suis certaine que vous dormez avec votre badge, lui renvoya-t-elle avec hargne. Désolée, s'excusa-t-elle aussitôt. Je n'avais pas à vous parler comme ça, mais cette histoire me dégoûte. Le mythe des gentils parents vient d'en prendre un coup.

Il ne se donna pas la peine de lui répondre et affecta de chercher ses clefs de voiture.

— Vous partez déjà ? s'étonna sa collègue. Je pensais que vous voudriez interroger Berto tout de suite.

— Si je le fais, je pourrais le démolir, laissa échapper Jim. Vous vous en sortirez mieux que moi. Vous risquez juste de lui casser un bras ou deux… Et je dois aller chercher Sandburg à l'Académie. Sa voiture est encore en panne.

— Comment va-t-il ? s'enquit aussitôt Megan.

— Très bien. La première partie de sa formation se termine aujourd'hui. Son stage commence dans le courant de la semaine prochaine…

— Voilà une excellente nouvelle, fit sa collègue avec satisfaction. J'ai une bonne raison de l'inviter à dîner demain, alors ?

— Voyez ça avec lui. Je ne suis pas sa nounou.

— Oh ! pardon. Je pensais qu'il fallait d'abord vous demander l'autorisation.

— De quoi parlez-vous au juste, Connor ? rétorqua Ellison d'un ton glacé.

— Ne soyez pas si agressif.

Elle éclata de rire devant l'air furieux de son collègue, puis redevint soudain sérieuse.

— Je voudrais juste avoir directement de ses nouvelles. Vous savez comment sont les flics, ils aiment avoir leurs infos à la source.

— En ce cas, arrêtez de me prendre pour un coursier ou une secrétaire et adressez-vous carrément à Sandburg.

Megan lui adressa un drôle de regard qu'il n'aima pas du tout.

— C'est drôle, on pourrait croire que vous êtes jaloux.

— Je pensais avoir été clair, fit Jim en détachant bien chacun de ses mots. Je ne m'intéresse absolument pas à vous.

— Mais à Blair, si.

Ellison en resta sans voix pendant quelques secondes, puis il la fusilla du regard.

— C'est quoi, ces sous-entendus ? Si vous avez quelque chose à me dire, Connor, faites-le, au lieu de tourner autour du pot.

— Je ne suggère rien, je constate, voilà tout. Dès qu'une femme s'approche trop près de Sandy, vous nous gratifiez d'une levée de boucliers.

— Je fais ça, moi ? gronda Ellison.

— Allons, c'est bien pour ça que vous étiez dans un tel état quand il s'est occupé d'Alex Barnes.

Elle baissa d'un ton :

— Vous craigniez qu'il ne s'attache à une autre Sentinelle et vous laisse tomber. C'est compréhensible.

Jim devint blême de rage.

— Taisez-vous, Connor, ou je pourrais oublier que vous êtes une femme et vous casser la figure.

— Il n'y a que la vérité qui blesse, chantonna presque la jeune femme.

— Vous êtes une vraie vipère… Ce que vous suggérez est…

— Tout à fait humain. Et c'est bien ça qui vous embête, Jimbo. Vous faites tout pour être toujours meilleur que les autres et ça vous rend complètement aveugle, quel comble ! N'empêche ! Regardez dans quel état vous vous mettez dès qu'il s'agit de Sandy. Laissez-le respirer un peu !

Ellison préféra ne pas rester davantage. Il planta sa collègue goguenarde et rejoignit sa voiture à grands pas.

Elle ignorait de quoi elle parlait, songea Jim en claquant furieusement la portière de son pick-up. Il mit un temps fou à glisser la clef dans le contact. Bon sang, Ellison, calme-toi, jura-t-il intérieurement. Il respira profondément et démarra. Les battements frénétiques de son cœur se calmèrent peu à peu. C'était la première fois qu'il se sentait aussi en colère contre Megan. Elle avait le don de l'exaspérer, mais pas à ce point ! Il n'y a que la vérité qui blesse, entendit-il de nouveau sa voix railleuse. Il se força à se concentrer sur sa conduite. Avec tout ça, il allait être en retard pour récupérer Sandburg. Lui qui se faisait une joie de pouvoir passer tout le week-end avec lui. Il avait même pensé à organiser une partie de pêche. Mais puisque Connor voulait dîner avec le gamin, il pouvait faire une croix dessus. Pourquoi cette idée le mettait-elle si en colère ? Après tout, il apprécierait tout autant deux journées de calme au loft, d'autant qu'il était quasiment certain qu'il devrait revenir au central le lendemain matin. Cette histoire avec Berto devait vraiment être réglée au plus vite. Autant pour la partie de pêche.

Je ne m'intéresse absolument pas à vous.

Mais à Blair, si.

— Merde ! maugréa Jim qui se sentit soudain submergé par une peur incoercible. Elle ne pouvait pas avoir raison ! Un éclair de doute passa dans le regard bleu d'Ellison. Les choses ont changé depuis que j'ai failli le perdre à cause d'Alex Barnes, admit-il. Et même depuis plus longtemps que ça, lui rétorqua une voix narquoise. Il avait laissé Blair occuper une place dans sa vie qu'aucun avant lui n'avait pu prendre. Pas même les femmes qu'il avait aimées. Le cœur de Jim s'emballa à nouveau. Qu'est-ce qui m'arrive ? Il passa une main lasse sur ses yeux fatigués. Il n'avait pas dormi depuis deux jours. Il avait fait une planque pour surveiller un magistrat qu'on soupçonnait de corruption. Il avait dû faire équipe avec Taggart. Celui-ci s'était endormi et Jim avait finalement pris son tour de veille. Vivement que Sandburg revienne. Avec lui, au moins, je sais à quoi m'en tenir. Il devait reconnaître qu'il était impatient de pouvoir retravailler avec son coéquipier, surtout que désormais, ils enquêteraient ensemble en tant que flics. Blair ne partira plus, maintenant. Cette menace avait toujours pesé sur leur collaboration. Ils avaient pensé qu'elle ne durerait que le temps pour Sandburg de faire sa thèse. Mais il a fichu tout ça en l'air… pour moi. Cette pensée lui fit un choc. C'était pourtant la vérité. Jim n'oublierait jamais ce qu'il avait ressenti en voyant le gamin mentir devant tous ces reporters, ruinant en quelques mots le travail de plusieurs années. Et que dire de ce qu'il avait ressenti quand Simon avait donné son accord pour que Blair obtienne sa plaque de détective ! Ellison sourit malgré lui. Evidemment, Sandburg avait un peu renâclé au début… pour la forme. Il s'était ensuite lancé à corps perdu dans sa formation à l'Académie, potassant des bouquins de droit jusqu'à des heures impossibles. Jim n'avait jamais mis tant d'ardeur, quant à lui, pour travailler ce genre de trucs. Ce n'était pas sans fierté que Jim avait entendu Simon lui faire part des remarques que les instructeurs de Blair lui avaient communiquées. Le gamin sortirait probablement dans les premiers de sa promotion. Il a eu un bon professeur, avait ajouté Simon avec un regard entendu pour Ellison.

Le bâtiment de l'Académie de Police se profila au détour d'un virage. En remontant l'avenue, Jim repéra immédiatement une silhouette familière. Sandburg l'attendait sur le trottoir, nonchalamment assis sur son paquetage. Les mains enfoncées dans les poches, le nez en l'air, il semblait sourire aux nuages. Il tourna la tête comme Ellison arrivait à sa hauteur :

— Eh ! Jim ! lança-t-il en souriant.

— Désolé, grand chef, je suis en retard, fit celui-ci en ouvrant la portière de l'intérieur, pendant que Sandburg mettait son sac à l'arrière.

— Pas de problème, je ne suis là que depuis quelques instants. Les formateurs nous ont donné des conseils de dernière minutes pour choisir notre stage. Je suis resté, même si pour moi, c'est déjà du tout cuit.

— Je te trouve bien sûr de toi.

— Quoi ? C'est bien avec toi que je vais le faire, non ?

— Ne crois pas pour autant que je te ferai des fleurs.

— Le contraire m'aurait étonné, répliqua Blair en bouclant sa ceinture. De toutes façons, je m'attends au pire…, grimaça-t-il. Jim éclata de rire.

— Compte sur moi pour te faire rentrer le métier par tous les pores de la peau.

— Pour l'instant, mes muscles demandent grâce. J'ai failli être écrasé par mon adversaire pendant le cours de self-défense. Je dois avoir des bleus partout. Je réclame une trêve.

— Tu ne connais pas de remède miracle parmi toutes les horribles potions que tu sais concocter ? lui demanda Jim sur un ton railleur.

— Si c'était le cas, j'aurais fait fortune avec depuis longtemps, lui rétorqua son partenaire qui avait tiqué sur le terme "horribles potions." Ellison réprima tout juste un sourire. Il adorait le mettre en boîte. Le gamin réagissait toujours au quart de tour. Ils passaient la moitié de leur temps à se chamailler comme des gosses et l'autre à former un tandem redoutable, comme l'avaient appris à leur dépens les malfrats de Cascade. La Sentinelle et son Guide…

— Et comment ça se passe le boulot avec Megan ? s'enquit Blair pour rompre le silence qui s'était instauré entre eux ; Jim se raidit et ne répondit pas. Ça va si mal que ça ? Je ne comprends pas pourquoi vous ne vous entendez pas, tous les deux, c'est une chouette fille.

— Tu pourras lui faire tous les compliments que tu voudras demain soir. Elle t'invite à dîner, annonça Ellison du ton le plus neutre possible.

— Je ne sais pas, fit Sandburg avec une moue lasse. Je suis complètement naze et si je veux être prêt pour la semaine prochaine, j'ai encore quelques petits détails à revoir…

— Elle va croire que je te couve.

Jim fut aussi surpris que son coéquipier d'avoir exprimé tout haut sa pensée.

— Elle quoi ? balbutia Blair en écarquillant les yeux de stupeur.

— Elle trouve que je suis une vraie mère poule.

— Pourquoi est-ce qu'elle dit ça ?

— Elle adore m'asticoter, et puis, elle est là-dessus depuis qu'elle a déjeuné aujourd'hui avec Cassie Welles.

— Cassie est à Cascade ?

— Elle est déjà repartie, mais il a fallu qu'elle tombe sur Connor, maugréa Ellison.

— Qu'est-ce que tu as voulu dire par là-dessus ? le déconcerta complètement Sandburg.

— Quoi ?

— Tu as dit Elle est là-dessus…

— Laisse tomber, grand chef, ça ne voulait rien dire, tenta de se défiler Jim comme il pouvait, mais ce subterfuge n'échappa pas à son partenaire qui n'insista pas pour autant. Le reste du trajet se fit dans un silence tendu. Jim vouait Megan à tous les diables. Il avait l'impression de s'être embourbé dans un piège sans savoir de quoi il retournait. L'arrivée au loft lui offrit une diversion inespérée. Il attrapa le sac de Blair avant que celui-ci ne soit descendu de la camionnette. Son coéquipier le remercia d'un regard qu'il préféra ignorer.

Une fois dans l'appartement, les choses allèrent un peu mieux. Sandburg déclara qu'il allait prendre une douche et Jim prépara le repas. Il s'en voulut de constater que le frigidaire était presque vide. Il trouva cependant de quoi préparer une omelette en se promettant d'aller faire les courses dès le lendemain. Il aimait bien faire la cuisine, c'était une sorte de distraction pour ses sens. Et le résultat n'avait généralement rien à voir avec les calamités que le gamin pouvait faire sortir d'une casserole. En passant pour mettre le couvert, il remarqua le courrier qu'il avait récupéré et distraitement posé sur la table. Factures. Publicités. Un télégramme. Il eut un choc en lisant le nom de l'expéditeur.

— Eh ! man, ton omelette est en train de brûler ! s'exclama Blair quand il sortit de la salle de bains. Il se précipita pour éteindre sous la poêle et jeta un regard surpris à son coéquipier pétrifié au milieu de la pièce avec un télégramme à la main. Sandburg connaissait ce regard et en général, il ne disait rien de bon.

— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en s'approchant prudemment, d'autant qu'il venait de remarquer les mâchoires crispées de Jim. Ce dernier se contenta de lui tendre le bout de papier. Blair n'en crut pas ses yeux. Ton père ?

— C'est tout à fait dans le style du vieux, ça. Pas de coup de fil, il déteste les répondeurs et pourrait tomber sur moi. Un télégramme, c'est beaucoup plus adapté à sa façon de faire.

— Il veut te voir ?

— On dirait. Il passe à Cascade pour affaires.

Le ton cassant de Jim vibrait de colère. Sandburg savait que Jim en voulait à son père de ne pas l'avoir recontacté depuis qu'il lui avait sauvé la vie. Blair avait pourtant espéré que les choses s'arrangeraient entre eux, mais les Ellison semblaient être une famille particulièrement têtue et peu douée pour les relations humaines.

— C'est vraiment une sale journée, marmonna Ellison qui froissa le papier et le jeta au passage dans la poubelle de la cuisine. Blair se précipita pour le récupérer.

— Pourquoi tu t'en débarrasses ? Il te donne un numéro de téléphone où le joindre.

— Oui, pour que je prenne rendez-vous avec une secrétaire entre deux réunions. Très peu pour moi.

En voyant son coéquipier déplier la feuille, Jim eut un geste vers lui pour la reprendre, mais Sandburg fut plus rapide et la mit hors de portée.

— Ne te mêle de ça, gronda Ellison d'une voix lourde de menaces, mais son partenaire ne se laissa pas démonter :

— Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as de savoir qui est ton père !

— Toi, tu as eu des pères, rétorqua Jim. Il ne te reste plus qu'à choisir lequel te convient, contrairement à moi qui ne peux prétendre qu'à ce monstre froid et borné.

— Voilà au moins une chose que vous avez en commun, lui renvoya Blair. En plus, tu sais d'où tu viens !

— Quoi ? C'était si dérangeant que ça de voyager à travers tout le pays ?

En disant cela, Jim eut un large geste de la main et heurta la poêle qui tomba sur le sol avec un bruit crispant. Tout le contenu se répandit sur le sol.

— Bon sang ! jura Ellison. Son coéquipier se précipita pour examiner sa main.

— Passe-la sous l'eau froide, ordonna-t-il. Comme Jim ne réagissait pas, il l'emmena d'office à l'évier, ouvrit le robinet et le força à s'exécuter. Puis il alla dans la salle de bains et revint avec de la pommade.

— Ce n'était pas drôle tous les jours de vagabonder comme ça, reprit-il leur conversation tout en appliquant la crème. Je n'ai jamais pu vraiment avoir d'amis, alors, permets-moi de me sentir concerner quand je vois le meilleur d'entre eux se comporter comme un imbécile.

Jim ne répondit pas. Blair était même étonné qu'il ne bronche même pas pendant qu'il le soignait. Avec un sens du toucher si développé, il devait pourtant souffrir. Sandburg se demanda d'ailleurs soudain quelle était sa tolérance à la douleur. Il n'avait jamais vu son coéquipier se plaindre d'une quelconque blessure. Il serrait les dents, comme en ce moment, et encaissait.

— C'est vrai ? fit soudain Ellison.

— Quoi ? répondit Blair.

— Que je suis ton meilleur ami.

Sandburg le regarda un moment et ne put réprimer un sourire qu'il masqua aussitôt derrière un air faussement sévère.

— Grand dadais.

Il rangea son matériel de secouriste impromptu, tandis que Jim récupérait de quoi éponger le carnage. Blair l'arrêta d'un geste.

— Je m'en occupe. Commande plutôt une pizza. Allez, le houspilla-t-il.

— OK, grand chef, s'inclina Ellison en levant les bras comme s'il se rendait.

~~~~~~~~ Chapitre II ~~~~~~~~

Jim était dans la jungle. Il courait vers une clairière. Quand il s'arrêta, il vit une femme assise sur les marches d'un temple en ruine qui lui était familier. Elle jouait avec deux enfants et son rire résonnait au milieu des arbres. Elle lui tournait le dos et quand elle se fit face, sentant probablement sa présence, il remarqua qu'elle tenait un nourrisson contre son sein.

— Regarde, dit-elle avec un sourire, papa est de retour. Elle lui fit un signe de la main et les autres enfants se levèrent en sautant de joie. Comme Jim s'apprêtait à les rejoindre, il remarqua un mouvement dans les fourrés sur sa droite. Un loup sortit de la masse des végétaux. Son regard allait de la femme avec ses enfants à Ellison. Un son plaintif s'échappait de sa gorge. Il finit par se coucher, la tête entre les pattes. Jim reprit sa route, mais plus il avançait, plus le loup gémissait. Le son était particulièrement poignant. Quand il arriva à sa hauteur, Ellison fut incapable de faire un pas de plus. Il sut immédiatement que s'il poursuivait sa route, le loup ne le supporterait pas. Comme il se tournait vers lui, Incacha se matérialisa juste derrière l'animal.

— Que veux-tu ? lui demanda-t-il en désignant la famille qui l'attendait et le loup. Une forme noire se matérialisa près de l'Indien et rejoignit celui-ci. Le jaguar ! C'était ainsi que Jim se voyait dans ses rêves shamaniques. Après s'être allongé, le fauve noir commença à lécher le loup qui cessa de pleurer et ferma les yeux d'aise. Ellison s'approcha d'eux et s'agenouilla. Tandis qu'il commençait à caresser le loup, la panthère noire se releva lentement en émettant un ronronnement sourd, puis elle s'éloigna en compagnie d'Incacha. Jim prit la tête du loup entre ses mains et celui-ci se transforma sous ses yeux pour prendre les traits de Blair. Avant qu'il ait pu réagir, son Guide noua ses bras autour de son cou et l'embrassa. Le premier mouvement d'Ellison fut de se dégager de cette étreinte. Tous ses sens étaient affolés. Mais c'était si délicieux. Il s'enivra du parfum de Blair, de la douceur de sa peau sous ses doigts et finit par goûter la saveur de son baiser. Jamais il n'avait éprouvé un tel sentiment de plénitude, comme si son corps était enfin rassasié. Il n'aurait jamais cru que ce serait aussi bon de sentir les mains de son Guide sur ses épaules, sa nuque, ses omoplates, et descendre jusqu'à ses reins. Leur baiser devint de plus en plus passionné. Blair se laissa aller lentement en arrière, comme ses lèvres couraient sur le visage de Jim. Il murmurait des paroles que ce dernier ne comprenaient pas, sinon une qui résonna à son oreille : C'est ce que tu veux…

Une sonnerie stridente tira Ellison de son sommeil. Il lutta pour que rester dans le rêve, mais celui-ci se dissipa sans espoir de retour, ne laissant qu'une terrible impression de vide.

— Sandburg, fit son coéquipier qui avait décroché le téléphone. Salut, Megan…! Oui, Jim m'en a parlé… C'est que j'ai pas mal de travail… C'est vrai, un peu de distraction ne me ferait pas de mal, rit le gamin. Je vis comme un moine depuis que je suis entré à l'Académie… Puisque vous insistez… A ce soir, alors…

Jim se redressa au moment où Blair raccrochait, luttant entre les impressions de son rêve et la colère qu'il sentait sourdre en lui. Il attrapa son peignoir et descendit les marches comme s'il partait à la guerre. Sandburg lui adressa un regard interrogateur :

— Bonjour ! lança-t-il joyeusement ; Ellison l'ignora royalement. De mauvaise humeur ? insista le gamin.

— Si on te le demande, tu diras que tu n'en sais rien…

Jim se figea en voyant les sacs de courses dans la cuisine et un petit déjeuner qui l'attendait sur la table. Sa colère s'envola d'un seul coup.

— Tu es allé faire les courses ?

— Le frigo ressemblait au désert de Gobi, répondit son coéquipier qui revint pour reprendre son rangement. Il n'y avait même plus de café.

— J'ai été assez occupé cette semaine, fit Ellison tout bas.

— Je ne te fais pas de reproches, réagit Blair. Depuis que j'ai commencé la formation, j'ai tout laissé à ta charge, alors qu'on s'était entendu pour partager les tâches. Faire les courses, ce n'était rien, d'autant que tu avais l'air crevé hier soir… Et puis te voir avec cette tête-là est une sacrée récompense, éclata-t-il de rire. Va plutôt déjeuner. Je suppose que tu as entendu le téléphone, reprit-il comme Jim s'installait à table. Finalement, j'irai dîner avec Megan.

— Bonne idée…

Sandburg se retourna vivement pour voir son partenaire prendre un beignet dans son assiette, avant de se figer en voyant le télégramme froissé sous sa tasse.

— Tu ne renonces jamais, fit Ellison en agitant le papier.

— J'ai aussi noté le numéro de téléphone dans ton carnet d'adresses, au cas où…

— Grand chef, je t'ai déjà dit que tu étais un enquiquineur ?

— Oh ! oui, un nombre incalculable de fois, ne se laissa pas démonter le gamin. Ne rate pas cette chance, Jim. Même si ça se passe mal, au moins, tu pourras dire que tu auras fait un geste vers ton père.

— C'est si important que ça que je n'ai pas le mauvais rôle ?

— Ça l'est pour moi, en effet.

Ellison sentit sa gorge se nouer. Depuis tout à l'heure, il n'arrivait pas à regarder Blair dans les yeux. Des images de son rêve n'arrêtaient pas de le tarabuster. Il avait du mal à réprimer une folle envie de se lever et de prendre le gamin dans ses bras, pour retrouver les mêmes sensations que dans son rêve. Mais il y avait aussi la peur de la réaction de Sandburg. Lui qui collectionnait les conquêtes féminines, comment pourrait-il comprendre ce qui était en train de passer par la tête de sa Sentinelle ?

— D'accord, je… Je l'appellerai, murmura Jim qui contempla un instant le télégramme. Il sourit en entendant Blair siffloter en ouvrant les portes des placards pour ranger les dernières courses. Il n'y avait que lui pour le faire changer d'avis de cette façon. Je ferai n'importe quoi pour mon Guide. Je ferai n'importe quoi pour Blair, se dit Ellison. C'est ce que tu veux, entendit-il murmurer à son oreille et la douceur de ces paroles le fit frissonner.

Il sursauta quand on lui tapa sur l'épaule :

— Allô Jim, ici la Terre !

— Qu… Quoi…? balbutia Jim.

— Tu étais encore dans la lune, lui fit remarquer le gamin. Je te demandais si tu pourrais m'aider à réviser les procédures. C'est tellement rébarbatif que j'ai du mal à accrocher. Autant faire ça maintenant, puisque je sors ce soir.

— OK, pas de problème. Je vais aller mettre une tenue plus adaptée… Pourquoi tu te marres comme ça ?

— Rien, j'essayais de t'imaginer tiré à quatre épingles avec des lunettes et une sacoche sous le bras… C'est la tenue adéquate, non ?

— Arrête de délirer, le rabroua gentiment Jim qui termina son petit déjeuner.
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Les quatre vérités - Yphirendi Empty
MessageSujet: Re: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitimeDim 12 Sep - 21:23

Ils passèrent ensuite la journée dans les manuels. Ellison ne se rappelait pas qu'il y avait autant de règlements à apprendre pour être un bon flic… sur le papier. Sur le terrain, c'était une toute autre histoire. Il fallait autre chose à un policier qu'une procédure en bonne et due forme pour s'en sortir. Il fallait de la chance, de l'instinct et… un partenaire sur lequel on pouvait compter pour couvrir ses arrières. Pour lui, Blair était déjà un flic. Ces examens n'étaient nécessaires que pour l'administration. Jim puisa dans des trésors de patience pour se forcer à ne pas envoyer tous ces maudits bouquins par la fenêtre. D'autant qu'il faisait un temps superbe. Ils seraient beaucoup mieux à pêcher des truites magnifiques plutôt qu'à harponner des vices de procédures. Le gamin ne semblait pas trop dégoûté ou perdu par tout ça. Il voulait tout savoir sur le bout des doigts.

— C'est un coéquipier qu'il me faut, pas une encyclopédie, maugréa Ellison, tandis qu'ils terminaient de déjeuner au milieu des manuels. J'aurais plus besoin que tu sortes ton flingue plutôt qu'un de ces règlements !

Il sentit Sandburg se raidir.

— Qu'est-ce que j'ai dit ?

— C'est à propos du flingue. J'avoue avoir du mal à me faire à l'idée que je vais porter une arme. Et que je devrais probablement m'en servir.

— Tu en as déjà tenu une par le passé, et pour t'en servir.

— Oui, mais c'était dans la nécessité, je n'avais pas ça constamment sur moi.

— Oh ! oh ! je sens remonter le pacifiste de service ! C'est très beau d'avoir des idées comme les tiennes sur la violence et je préfère même ça qu'un partenaire qui voudrait dégainer à tout va, mais le revolver va avec la fonction, grand chef. Le but, justement, à mon avis, c'est de le sortir le moins souvent possible. Et je pense que tu as justement un… don pour ça.

— Que veux-tu dire ?

— Tu sais parler aux gens, te servir de ta tête pour dénouer des situations difficiles, c'est une qualité que tous apprécient déjà dans le service. Ne t'en fais pas, ajouta Jim, je ferai tout pour que tu n'aies jamais à…

— A quoi ?

— A tuer un homme.

Blair le regarda un moment avec un drôle d'air.

— C'est quelque chose que tu ne peux pas me promettre et tu le sais très bien. Et de toutes manières, je n'hésiterai pas une seule seconde entre ta vie et celle de quelqu'un qui te menacerait.

— Là, c'est à toi de ne pas jurer un truc pareil. Tu n'en sais absolument rien. Mais… merci pour cette promesse.

— En tous cas, dès que je retournerai sur le terrain, avec mon badge, tu ne pourras plus m'obliger à rester en arrière.

— Bien sûr que si, c'est toujours moi qui commande. J'ai plus d'ancienneté que toi, tu devras continuer de m'obéir !

— Ah ! non, ça ne faisait pas partie du contrat ! s'exclama le gamin.

— Quel contrat ? Je n'ai rien signé du tout, rétorqua Jim. Ma priorité, c'est de te protéger, ajouta-t-il plus sérieusement. Pas seulement en tant que flic, mais aussi en tant que Sentinelle. Rien ne doit arriver à mon Guide, détacha-t-il chaque mot, comme s'il récitait un article d'un des bouquins de procédure.

— Et moi, ma mission, c'est d'être là où tu vas, rétorqua Blair sur le même ton.

— On dirait le genre de trucs que se disent les gosses, nota Ellison avec un drôle d'air.

— Ou les meilleurs amis du monde, adjugea Sandburg.

— D'accord, arrêtons-là la surenchère.

Jim se leva et récupéra les couverts. Pour la première fois, il bénit de devoir faire la vaisselle, il pouvait ainsi cacher ses mains tremblantes. Comme il faisait couler l'eau dans l'évier, il jeta un coup d'œil à son coéquipier qui s'étirait comme un chat sur sa chaise. Le soleil de ce début d'après-midi se déversait dans le salon et nimbait le jeune homme dans une sorte de halo. Ça le reprenait ! jura-t-il intérieurement, cette envie incoercible de prendre Blair dans ses bras et de perdre ses mains dans sa chevelure bouclée, comme dans son rêve… Ses sens étaient en train de lui jouer un drôle de tour, il avait soudain l'impression de revivre les moindres sensations de ce songe comme si elles étaient décuplées. Il lutta pour les repousser et fit tomber une assiette. Blair sursauta quand elle se fracassa sur le sol.

— Encore ! s'exclama-t-il en se précipitant pour ramasser les morceaux. Eh ! si tu continues comme ça, on va devoir manger dans des couverts en plastique. Jim ? Est-ce que ça va ? Jim ?

Le jeune homme l'attrapa par les épaules et le secoua jusqu'à ce qu'il réagisse, comme si on le sortait d'une transe.

— Que s'est-il passé ? fit Ellison en regardant de tous côtés, avant de remarquer l'assiette brisée.

— On dirait que tu as zoné. J'avais l'impression de parler à un zombie. Viens t'asseoir, je veux t'examiner.

— Tout va bien, grand chef, et puis, tu n'es pas docteur.

— Non, je suis Shaman, c'est exactement ce qu'il te faut.

Jim ne résista pas comme son coéquipier le forçait à s'asseoir. Il frémissait à chaque fois que Blair le touchait. Le pire fut quand il posa sa main sur son front.

— Pas de fièvre. Pourquoi tu trembles comme ça ?

— Je ne sais pas…

Il s'agita pour échapper au contact de la paume du jeune homme sur sa peau.

— Tu me caches quelque chose, affirma le gamin.

— Non, je te jure, se défendit Ellison, tout va bien. Il faut nettoyer tout ce chantier, dit-il en faisant mine de se lever, mais Sandburg l'en empêcha.

— Je ne pensais pas que réviser des procédures pouvaient faire un effet pareil à quelqu'un, le taquina-t-il.

— C'est pas ça, protesta Jim.

— Tu as zoné, insista Blair. Qu'as-tu ressenti avant ça ?

— Du chaud…

— Hein ?

— L'eau chaude, rectifia Ellison en désignant l'évier. Son coéquipier alla tremper un doigt inquisiteur au milieu de la vaisselle.

— Rien d'extraordinaire, jaugea-t-il. Ça ne vient pas de là. Il y avait longtemps que tu ne nous avais pas fait un truc pareil. Je pensais que tu t'étais finalement réconcilié avec tes sens.

Jim trouva soudain quelque chose de très intéressant à examiner sur le sol. Il savait parfaitement ce qui s'était passé. Il avait lutté contre ses sens. Et ça avait toujours le même effet. Mais il ne pouvait pas les laisser prendre ainsi le contrôle de sa vie.

— Je pensais avoir moi aussi la paix, bougonna-t-il. Ces trucs de Sentinelle, ce n'est pas tous les jours facile à vivre.

— De même que d'être ton Guide, lui lança le gamin sur un ton de reproches. Je déteste quand tu me caches des choses, man. Je déteste que tu me mettes à l'écart. J'ai l'impression de devenir tout d'un coup transparent.

Sandburg s'emportait de plus en plus :

— Tu ne peux pas m'éjecter de ton univers à chaque fois que ça t'arrange. Tu es tout le temps en train de te défiler dès que je te pose une question un tant soit peu personnelle.

— Eh ! Range ton tomahawk, grand chef. C'est moi le blessé dans l'histoire.

— Non, justement, rétorqua son partenaire en tambourinant la poitrine d'Ellison avec son index. C'est moi, parce qu'à chaque fois, la porte me claque au nez.

Il avait l'air drôlement remonté, nota Jim. Et pour que Blair se mette dans un état pareil, il fallait vraiment qu'il en ait gros sur le cœur. Il faisait tout pour protéger son Guide et voilà que ce dernier s'en sentait blessé. Mais que faire ? Lui balancer comme ça : Je rêve de toi toutes les nuits, Blair, et j'ai envie de toi ? Rien que de penser un truc pareil, il avait l'impression de le salir. Il réalisa soudain qu'il serrait ses poings si forts que ses ongles s'enfonçaient dans ses paumes. Et le gamin l'avait remarqué aussi. Il se pencha vers lui, son visage si près du sien qu'il sentit son souffle sur ses lèvres :

— Dis-toi bien qu'il faudra que ça sorte un jour ou l'autre, Ellison. Et pour toi, il vaudrait mieux que ce soit tôt que tard, ou ça te rongera de l'intérieur. Et je ne pourrais plus rien pour toi. J'ai des révisions à finir, ajouta-t-il en se redressant. Je vais me débrouiller tout seul.

Il attrapa ses bouquins et se dirigea vers sa chambre dont il claqua ostensiblement la porte. Jim soupira. Tout allait de mal en pis. Le week-end était définitivement fichu.

~~~~~~~~ Chapitre III ~~~~~~~~

Megan relisait pour la énième fois la page du plat du jour, tout en écoutant Sandburg morigéner :

— Quelquefois, j'ai envie de le secouer, de l'étriper, fit-il en joignant le geste à la parole. C'est fou ! Par moments, on est sur la même longueur d'ondes, et puis l'instant d'après, changement total de fréquence, j'ai l'impression de parler à un mur. Je pensais que les choses changeraient maintenant que je vais devenir flic.

La jeune femme referma brusquement le menu.

— Vous ne pourriez pas arrêter une minute !

— Quoi ?

— Depuis que je suis passée vous prendre au loft, vous n'arrêtez pas de parler de lui. Jim par-ci, Jim par-là. C'est vous que j'ai invité, pas lui.

— Oui… Pardon, se troubla-t-il. Ce n'est vraiment pas poli.

— Votre mère vous a trop bien élevé, Sandy, releva Megan en souriant. Un homme qui s'excuse comme ça, c'est plutôt rare.

Blair rougit jusqu'aux oreilles et se planqua derrière le menu. Comme il affectait de choisir quelque chose, la jeune femme le détailla. Il portait une chemise bleue qui accrochait la lumière avec des reflets soyeux et un pantalon noir. Il avait attaché ses cheveux et elle adorait les petites frisettes qui se tortillaient derrière ses oreilles. Il était à croquer… Elle n'arrivait pas à dire ça autrement. C'était surtout sa candeur qui était exceptionnelle. Elle l'avait tout de suite frappée chez lui. Et c'était sans doute ça qui avait forcé les défenses d'Ellison comme si c'était du beurre. Blair avait une façon déroutante de vous regarder, parce qu'il ne trichait pas. Et pour Ellison qui côtoyait sans cesse le mensonge, la présence de Sandburg devait être comme une bouffée d'oxygène. Megan avait remarqué la façon dont il les avait regardés partir tous les deux. Quand elle était montée dans la voiture, elle l'avait vu à la fenêtre du loft, les yeux rivés sur son coéquipier qui l'ignorait avec superbe. Elle avait tout de suite compris, quand Jim lui avait ouvert, que quelque chose clochait. Blair était sorti de la salle de bains. La façon dont Ellison l'avait dévoré des yeux lui laissait encore une drôle d'impression.

— Nouvelle chemise ? avait-il demandé à son partenaire.

— Si on te le demande, tu diras que tu n'en sais rien, avait répliqué celui-ci. Jim avait immédiatement battu en retraite, murmurant un "Passez une bonne soirée," comme Sandburg récupérait sa veste. Le jeune homme était si tendu qu'il électrisait presque l'air autour de lui. Megan avait voulu plaisanter :

— Encore une scène de ménage ?

Blair avait sursauté comme si la foudre était tombée à ses pieds.

Et qu'on aille ensuite lui dire qu'il ne se passait rien entre ces deux-là !

Le serveur vint prendre leur commande. Pris au dépourvu, Blair décida de prendre la même chose que sa collègue Le serveur récupéra les menus.

— Finalement, mieux vaut que vous me parliez de Jim, sinon, vous ne direz pas un mot de tout le dîner, proposa Megan. Vous vous êtes encore disputés ?

— Je voudrais qu'il arrête d'avoir des secrets pour moi.

— Vous le bousculez complètement, en somme.

— Quoi ?

— D'après ce que j'ai pu constater, Ellison n'est pas du genre à se livrer facilement. D'accord, vous vivez tous les deux ensembles, mais ce n'est pas une raison pour que vous puissiez voir dans tous ses tiroirs. Vous aimeriez qu'il fasse la même chose avec vous ?

— Je lui ai quasiment tout dit sur moi, protesta Sandburg.

— C'est le quasiment qui est important. Il n'a sans doute pas la même valeur pour vous et pour lui. Vous devez l'accepter… ou risquer d'aller trop loin.

— Je ne veux pas le perdre.

Il avait un air si malheureux en disant ça.

— Il m'a offert un foyer, son amitié…

Blair s'étrangla et s'empressa de se servir un verre d'eau qu'il avala d'une traite pour se donner bonne contenance.

— Je n'arrive pas à croire que je suis en train de vous dire des trucs pareils.

— Vous en avez visiblement gros sur le cœur. Mais en fait, ce n'est effectivement pas à moi que vous devriez dire toutes ces choses, mais à lui.

— Il va m'accuser de faire dans le mélodrame et m'expédier dans mes buts.

— Si vous voulez mon avis, il pourrait vous surprendre.

— Qu'en savez-vous ?

— Intuition féminine, répondit Megan avec un sourire.

— C'est de ça que vous avez parlé avec Cassie ?

La jeune Australienne tiqua. Comment pouvait-il être au courant ? Il la fixait maintenant d'un air sévère.

— Jim m'a dit qu'elle vous avait rencontrée hier au central. Elle est là-dessus depuis qu'elle a déjeuné aujourd'hui avec Cassie Welles. Ce sont ses propres mots. Quand je lui ai demandé ce qu'était le là-dessus, il a éludé la question comme il sait si bien le faire et vous mourrez d'envie de l'imiter.

— Je meurs surtout de faim, rétorqua Megan. Mais si vous voulez savoir, nous avons parlé de vous deux, Cassie et moi, pour tomber d'accord sur le fait que vous formez une équipe hors du commun. Pas étonnant pour – elle se contenta de former les mots – une Sentinelle et son Guide. Evidemment, je ne lui ai rien dit, mais elle m'a avoué qu'elle avait senti quelque chose de spécial entre vous. Je suis absolument d'accord avec elle.

— De spécial, vous dites ?

— Ce n'est pas que de l'amitié, Sandy.

Blair pâlit à ces mots. La jeune femme crut qu'il allait avoir une attaque. Autant pour l'approche en douceur, elle n'avait pas pu s'empêcher de mettre le pied dans le plat. Le serveur arriva avec leurs assiettes et Megan prit son temps pour goûter son rôti. Il était vraiment très tendre. Sandburg commençait enfin à reprendre des couleurs. Il réalisa que le serveur attendait pour pouvoir poser son assiette devant lui.

— Megan… balbutia-t-il. Je ne sais pas ce que vous imaginez à propos de Jim et moi…

— Bien sûr que si, vous vous en doutez. Ça ne pose aucun problème en ce qui me concerne.

— Vous êtes folle ! s'exclama-t-il.

— Si vous le dites. Mais au moins, maintenant, vous allez tout faire pour détourner la conversation et je ne vais plus entendre parler d'Ellison de toute la soirée.

***

Blair ouvrit tout doucement la porte du loft et au moment d'allumer la lumière, il entendit un bruit, comme un soupir. Il remarqua alors la TV qui était restée allumée diffusant son programme le plus morne : de la neige à domicile. A tous les coups, songea-t-il, Jim était resté devant la télé et s'était endormi. Nouveau soupir qui confirma ses soupçons. Pourquoi n'était-il pas allé se coucher dans son lit ? Le jeune homme referma la porte derrière lui et tâtonna pour allumer une lampe dont la lumière risquerait moins de réveiller sa Sentinelle. Il se donnait bien du mal pour lui, lui chuchota une voix. Il oubliait bien vite qu'il lui en voulait ! Le Guide en lui chassa cette pensée importune. C'était plus fort que lui, il aimait veiller sur Jim. Finalement, le qualificatif de mère poule lui convenait aussi. Pour rejoindre sa chambre, Blair passa près du canapé et distingua la silhouette de Jim dont le sommeil paraissait bien agité. S'il continuait à remuer comme ça, il allait finir par tomber. Le jeune homme s'arrêta net. Que faire ? Aller se coucher directement et laisser ce grand nigaud se prendre quelques bleus – après tout, bien fait pour lui ! – ou le réveiller pour lui dire d'aller se coucher dans son lit certainement bien plus confortable que le canapé ? Celui-ci était trop étroit pour la grande carrure d'Ellison. Blair, quant à lui, adorait s'y blottir en galante compagnie. Il secoua la tête. Ce n'était vraiment pas le moment de penser à ça. Il s'approcha en catimini, ayant pris sa décision. Mais il marqua un temps avant de l'exécuter. Le clair de lune venait d'éclairer le visage de Jim dont les traits étaient crispés. Il gémit un son inintelligible. Blair se pencha vers lui et posa sa main sur son épaule, pour le secouer un peu. De nouveau, il suspendit son geste, car l'expression de son coéquipier avait encore changé : on y lisait de la peur. Sandburg fut surpris. Jim faisait toujours tout pour cacher ses sentiments et le voir ainsi si… démuni troubla le jeune homme. Il devait faire un cauchemar particulièrement désagréable. Il bougeait tant et si bien qu'il était bien près de tomber du canapé dont Blair fit le tour, prêt à le rattraper au cas où.

— Non… Non…, maugréa Ellison en repoussant son coéquipier.

— Jim, c'est moi… Réveille-toi… Tu fais un cauchemar, lui chuchota le jeune homme. Comme il voulait le secouer en l'attrapant par l'épaule, son partenaire le saisit par le poignet en le serrant cruellement.

— Ne pars pas, Blair… Reviens…

Sandburg commençait à être inquiet. Sa Sentinelle avait le sommeil très léger, il aurait dû se réveiller tout de suite… Et ça faisait plutôt bizarre de découvrir qu'il rêvait de lui.

— Reviens !

C'était un cri de panique. Blair recula brusquement et perdit l'équilibre, tandis que Jim se redressait d'un bond. Il ouvrit les yeux, secoua la tête… et tourna aussitôt les yeux vers son Guide. Son expression changea du tout au tout. Le soulagement qui se peignit sur ses traits était indescriptible.

— Tu es là…

— J'ai essayé de te réveiller, tu faisais un cauchemar…

— Je ne m'en souviens pas.

Mais en disant cela, Jim ne put réprimer un frisson et détourna la tête. Le sang de Blair ne fit qu'un tour.

— Tu recommences à me mentir.

— Je t'assure que non… Et puis, ce n'était qu'un cauchemar.

— C'est moi qui t'en donne ?

— Quoi ? s'exclama Ellison en sursautant. Non… Je…

— Tu m'appelais dans ton rêve, fit Sandburg en se relevant et en époussetant sa veste plus pour se donner contenance que par nécessité.

— Mais ça n'a rien à voir…

— Je ne suis pas une Sentinelle, Jim, cependant, je sais quand on me ment. Mieux vaut en rester là. Je préfère aller me coucher. Le programme est particulièrement inintéressant, ce soir, ajouta-t-il en attrapant la télécommande pour éteindre la TV. Ellison n'eut même pas le temps de lui souhaiter bonne nuit qu'il avait rejoint sa chambre. Une lueur de colère éclaira ses yeux bleus.

— Va au diable, murmura-t-il pour lui-même, sans savoir exactement s'il s'adressait à son partenaire ou à sa stupidité.

***

Blair ouvrit la porte de sa chambre. Il avait passé une nuit particulièrement pénible. Il s'en voulait. Parler comme ça à Jim ne faisait absolument pas avancer les choses, il aurait dû le savoir depuis le temps ! Il se demandait avec inquiétude pourquoi leurs disputes étaient devenues de plus en plus fréquentes. Bon, comment allait-il faire pour se rattraper, cette fois-ci ? Le coup du petit déj, c'était déjà fait. Pourquoi pas le lui emmener au lit ? Sandburg se figea. N'importe quoi… Il leva les yeux vers le premier étage du loft. Curieux… ce silence. Normalement, à cette heure-ci, son coéquipier était debout. Des deux, c'était plutôt Blair qui traînait au lit. Et avec ce temps – il regarda par la fenêtre contre laquelle une pluie diluvienne tambourinait avec rage – Jim n'était certainement pas sorti faire un jogging. Sandburg se retrouva au pied de l'escalier avant même d'y penser. Il grimpa les marches presque quatre à quatre, de plus en plus convaincu que quelque chose clochait. Et il s'arrêta net. Le lit d'Ellison était vide. Pire que ça : son coéquipier n'y avait apparemment pas dormi. Le jeune homme redescendit aussi vite qu'il était monté et remarqua alors seulement que la veste de Jim n'était pas accrochée au portemanteau.

— Il a découché, ma parole, grommela-t-il en se mordant la lèvre inférieure. Tant pis pour lui, ajouta-t-il en haussant les épaules. Pas de petit déj des champions pour Ellison.

Blair retourna dans la cuisine et s'arrêta au moment de prendre la cafetière… Vide ! Jim ne commençait jamais une journée sans un café. En une poignée de secondes, toutes sortes d'idées folles traversèrent l'esprit de Sandburg. Il se raisonna. Non, il devait y avoir une explication, Jim avait été appelé pour l'affaire sur laquelle il travaillait et il avait dû partir à toute vitesse. OK, alors pourquoi ne s'était-il pas donné la peine de lui griffonner un mot ?

Parce qu'il t'en veut, imbécile !

Cette pensée le calma pendant que le café se faisait. Puis il se surprit à faire les cent pas devant le canapé, sa tasse à la main. Il alla vers le téléphone, revint sur ses pas, y retourna, décrocha et composa le numéro du bureau de Simon avant de regretter son geste.

— Banks à l'appareil…

— Simon, c'est Blair. Est-ce que Jim est là ?

— Non.

— Vous en êtes sûr ?

— Puisque je vous dis que… Un instant… Connor, Ellison est dans les parages… ? C'est bien ce que je disais.

— Désolé de vous avoir dérangé, s'excusa le jeune homme d'un air penaud. Comme il allait raccrocher, Banks lui demanda :

— Vous ne savez pas où il est ?

— Non. Il n'a même pas laissé un mot. Et…

Le sang de Blair se figea dans ses veines quand il remarqua l'objet posé sur une étagère devant lui.

— Il n'a pas pris son portable ! s'exclama-t-il avec stupéfaction.

— Quoi ? rugit Simon. Et comment je fais pour le joindre si j'ai besoin de lui ? Surtout qu'on a des problèmes avec Berto. Son avocat est en train de le faire libérer plus tôt que prévu. Dites-le lui dès qu'il rentrera. Et qu'il a intérêt à garder toujours son portable avec lui. C'est un flic, bon sang ! Ça signifie qu'on doit pouvoir le joindre à n'importe quel instant.

— Il le sait, Simon… Peut-être avait-il besoin d'être seul.

Blair dut lutter pour garder le contrôle de sa voix. L'inquiétude lui nouait la gorge.

— Je vous laisse, je vais tâcher de le retrouver.

Il raccrocha cette fois-ci avant que le capitaine ait le temps de réagir. Il alla chercher le portable de Jim qu'il considéra de longues minutes. Cela ne lui ressemblait vraiment pas. Surtout s'il était sur une affaire. Mais où avait-il pu aller ? Pour disparaître, c'était le roi, il avait été entraîné pour ça quand il était dans l'armée. Blair se força une nouvelle fois au calme. Ellison reviendrait. Il avait probablement besoin de prendre du recul pour réfléchir à ce qui le tracassait ces derniers jours.

— Si seulement je savais ce que c'était…, soupira le jeune homme qui reposa le portable et passa dans la salle de bains.

Pendant toute la matinée, il essaya de travailler sur ses cours. Peine perdue. Midi arriva. Toujours pas de Jim. Il dut manger seul et il détestait ça. Le pire, c'était le silence, l'absence. Son regard s'arrêtait sans cesse sur la chaise que son partenaire aurait dû occuper. Une fois la vaisselle faite, il se mit à tourner en rond, décida de préparer ses affaires pour le lendemain, farfouilla dans ses placards sans pouvoir se décider sur ce qu'il allait prendre, monta plusieurs fois à l'étage pour vérifier si Jim n'avait pas laissé un mot – il se glissa même sous le lit, au cas où le mot serait tombé. Il s'installa finalement devant la TV, zappa sans pouvoir accrocher au moindre programme, s'attarda tout de même sur une série policière dont les protagonistes lui parurent bien peu crédibles et finit par éteindre la télé. Toujours pas de Jim. Il se laissa absorber par le spectacle morne de la pluie. Le ciel était si bas qu'il donnait l'impression d'étouffer. Blair se laissa aller en arrière.

— C'est de ma faute. J'ai gâché ce week-end.

Une petite voix protesta. Pourquoi est-ce que ça devait forcément être à lui d'avoir tort et à Jim d'avoir raison ? Sandburg repensa au moment où Ellison était venu le chercher à l'Académie. Il avait alors l'air de bonne humeur, ils avaient plaisanté et puis… Blair avait maintenant l'impression que tout était allé de mal en pis. Un énorme soupir souleva sa poitrine. Comme il allait chercher une bière dans le frigo, il entendit le bruit de la clef dans la serrure et se figea. La porte s'ouvrit sur un Jim Ellison méconnaissable : le col de sa veste était relevée, la visière de sa casquette trempée cachait le reste du visage. Blair eut un choc quand il l'enleva : une barbe ombrageait les joues de son partenaires, ses yeux étaient cernés…

— Depuis combien de temps es-tu dehors ? laissa échapper le jeune homme malgré lui. Son coéquipier ne se donna pas la peine de lui répondre. L'eau dégoulinait sur le parquet, tandis qu'il enlevait sa veste. Ses chaussures étaient maculées de boue. Sandburg n'arrivait pas à y croire. Il s'approcha et posa une main sur l'épaule de son ami.

— Jim…

Celui-ci se retourna et leurs regards se croisèrent.

— Où étais-tu ?

— J'ai fait un tour, répondit Ellison d'une voix rauque. Besoin de réfléchir.

— Sous cette pluie ? s'exclama le jeune homme qui vit son partenaire hausser les épaules, puis se baisser pour se déchausser. Blair se dirigea vers la salle de bains et revint avec une serviette. Jim s'était laissé tomber sur une chaise et regardait par la baie vitrée. Il remercia vaguement son coéquipier.

— Je vais te préparer un café, dit ce dernier. Tu as mangé ?

Nouveau haussement d'épaules.

— Tu n'es pas raisonnable…

— Epargne-moi tes jérémiades, Sandburg, répliqua Ellison d'un ton rogue. Il avait pris un des bouquins qui traînaient sur la table et le feuilleta distraitement. Blair s'attarda pour le regarder, Jim lui lança :

— Et ce café !

— Tout de suite.

Le jeune homme se précipita vers la cafetière. Il était partagé entre son soulagement de voir Jim de retour et ses interrogations. Ça le rongeait tellement qu'il revint à la charge en apportant sa tasse à Ellison :

— Où étais-tu ?

— C'est un interrogatoire ?

— Je… non… J'étais mort d'inquiétude, c'est tout.

— Je suis un grand garçon. Pas besoin qu'on s'occupe de moi.

Sandburg se pencha vers lui :

— Peut-être, n'empêche que je me faisais du souci. C'est comme ça que réagissent les gens normaux quand quelqu'un qu'ils…apprécient disparaît sans rien dire.

— Pas de sermon. J'ai eu ma dose.

Blair tressaillit.

— Pourquoi es-tu en colère comme ça ?

— Je ne suis pas… Fiche-moi la paix !

Jim se leva d'un bond, le bousculant au passage. Ses yeux lançaient des éclairs.

— T'arrives pas à comprendre que j'avais besoin de réfléchir ?

— Un mot d'explication, ça aurait été trop te demander ?

— Je suis chez moi, ici ! Je fais ce que je veux, quand ça me chante. Je n'ai aucun compte à te rendre.

Ellison attrapa son coéquipier par le revers de sa chemise et l'écarta rageusement. Blair perdit l'équilibre, surpris par la violence de ce geste. Il trébucha et s'étala de tout son long sur le parquet. Jim se précipita aussitôt. Son expression avait changé du tout au tout.

— Je suis désolé… Je ne voulais pas…

— M'écarter de ta vie ? lui lança le jeune homme avec rancœur ? Tu fais ça tout le temps ! Laisse-moi…

Il repoussa son partenaire de toutes ses forces, même si Jim était beaucoup plus costaud que lui. Quel idiot ! Il s'inquiétait pour lui et l'autre l'envoyait sur les roses.

— Lâche-moi, je te dis !

Jim s'obstinait à vouloir l'aider à se relever en balbutiant des excuses. Blair était furieux et ne voulait rien entendre.

— Je suis désolé… Désolé…, répétait sans cesse Ellison. Sandburg sursauta quand sa voix finit par s'étrangler au moment où il murmurait son nom. Jim vacilla et s'écroula sur lui. Le jeune homme eut du mal à se dégager. Une fois libre, il voulut dire à Ellison sa façon de penser et blêmit en voyant son expression figée. Oh ! non ! Il était en train de zoner.

— Jim ! Jim !
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Les quatre vérités - Yphirendi Empty
MessageSujet: Re: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitimeDim 12 Sep - 21:26

Blair le secoua de toutes ses forces, mais son ami ne réagissait pas. Il se mit à califourchon au-dessus de lui et écouta les battements de son cœur. Il faisait au moins du 140.

— Tu vas pas me faire ça ! Eh ! man ! Reviens.

Les mâchoires de Sandburg se crispèrent.

— C'est trop facile. Tu te défiles à chaque fois qu'on doit avoir une explication. Mais là, c'est vraiment pas drôle.

Faire entendre le son de sa voix. Jim y avait toujours été sensible. Son Guide continua de l'appeler pendant plusieurs minutes, avant de se laisser aller en arrière. Son esprit tournait à toute vitesse. Jim n'avait jamais zoné aussi longtemps. Son regard s'arrêta sur le téléphone. Appeler les secours ? C'était la solution la plus logique, mais comment leur expliquer ce qui s'était passé sans révéler que son ami était une Sentinelle. Blair se devait de réagir en Shaman. La belle affaire, personne n'avait fourni de manuel de procédures pour des cas pareils. Il avait toujours dû suivre son intuition.

Jim geignit et s'agita sous lui.

— Allez, man, l'encouragea le jeune homme d'une voix vibrante d'espoir. Encore un effort. C'est ça !

Une lueur de raison revenait dans les yeux d'azur d'Ellison qui se redressa sur un coude, puis sur un autre. Blair se sentit rougir jusqu'aux oreilles en réalisant dans quelle position ils se retrouvaient tous les deux. Et puis… avant qu'il ait pu réagir, Jim l'attrapa par le cou et l'attira vers lui. Ses lèvres happèrent les siennes en un baiser vorace qui lui coupa le souffle. Sandburg écarquilla les yeux et son premier réflexe fut de repousser son partenaire, mais il n'arrivait pas à rassembler ses pensées. Son cœur cognait si fort dans sa poitrine qu'il allait finir par s'en décrocher. Personne ne l'avait jamais embrassé comme ça… Il n'arrivait pas à croire ce qu'il ressentait. Il avait chaud et froid en même temps et ses lèvres… finirent par s'entrouvrir. Jim l'étreignit avec plus de force. Leurs souffles se mêlèrent. Blair osa glisser sa langue à la rencontre de celle de son partenaire qui gémit.

— Veux…, comprit le jeune homme saisi de vertiges. Son partenaire dut finalement s'écarter pour reprendre son souffle. Sandburg tremblait de tout son corps et passa distraitement ses doigts sur sa bouche. Le regard d'Ellison était terrifiant. Il avait tout l'air d'un fauve prêt à bondir sur lui. Cette impression de danger procura au jeune homme une curieuse sensation au creux de l'estomac. Ce n'était plus le Jim flegmatique, le flic qu'il avait devant lui, mais la Sentinelle, la panthère… qui s'effaça dès que plusieurs coups résonnèrent à la porte d'entrée. Jim se dégagea comme si le contact de Blair le brûlait tout d'un coup, puis se remit debout dès qu'il put. Blair était déjà sur ses pieds, quoique vacillant et s'avança vers la porte. Il prit quelques secondes pour reprendre contenance et ouvrit sur une Megan hors d'haleine :

— Ellison est là ?

— Euh…

— Il est là ou non ?

— Oui… Oui…

Le jeune homme s'effaça pour laisser sa collègue entrer. Il écouta comme à travers un brouillard ce qu'elle était venue annoncer :

— Sierra est de nouveau dehors. Son ex vient de m'appeler, complètement hystérique, après avoir appris la nouvelle aux informations. J'ai essayé de la rassurer, en lui disant que des policiers veillaient sur elle 24 heures sur 24, mais elle n'a rien voulu entendre. On doit…

Elle fut interrompue par la sonnerie de son portable.

— Connor… Quoi ? C'est pas vrai ? Comment a-t-il pu…? C'est bon, on arrive…

Elle raccrocha, attrapa la veste d'Ellison au portemanteau et la lança à Jim.

— Berto a réussi à retrouver la trace de son ex. Il a enlevé son fils… Remuez-vous ! s'exclama-t-elle devant le manque de réaction de son collègue. Comme Jim passait à la hauteur de Blair sans le regarder, ce dernier demanda :

— Je peux venir ?

— Reste là, grand chef. Tu n'es pas encore flic.

Sandburg adressa une supplique silencieuse à Megan qui se contenta de hausser les épaules.

— Il n'a pas tort.

— Je n'étais pas du tout flic avant et je venais tout de même avec toi sur les enquêtes, insista alors le jeune homme en attrapant le bras de son coéquipier qui sursauta comme si on l'avait brûlé au fer rouge ; honteux, Blair relâcha aussitôt son étreinte. S'il te plaît, Jim… Il faut qu'on parle, ajouta-t-il plus bas.

— Plus tard, répondit son partenaire d'une voix sourde. En route, Connor.

Et avant que Sandburg ait pu protester de nouveau, la porte s'était refermée derrière eux.

~~~~~~~~ Chapitre IV ~~~~~~~~


Jim suivit des yeux le brancard sur lequel gisait l'ex-femme de Sierra… Gillian O'Mara, se souvint-il de son nom. Megan était à ses côtés pour la rassurer et la suivit jusque dans l'ambulance. A l'intérieur, tout était sens dessus dessous. Les enquêteurs tâchaient de rassembler des indices, mais pas la peine d'être flic pour voir qu'un ouragan était passé par là. Berto était arrivé avec plusieurs hommes de main. Ils avaient neutralisé les deux flics qui surveillaient Bryan et sa mère – l'un d'eux avait été salement amoché et on craignait pour son œil droit. Gillian s'en sortait avec deux côtes cassées et l'angoisse de savoir son fils aux mains d'un fou furieux. Connor rejoignit Ellison. La colère crispait ses traits.

— Dès que je le rattrape, je lui fait passer le plus mauvais quart d'heure de sa vie, menaça-t-elle Sierra en prenant le ciel pour témoin. S'attaquer à une femme sans défense pour lui arracher son gosse, c'est vraiment trop lâche.

— Respirez un bon coup et reprenez votre calme. Si vous continuez de réagir avec votre cœur et non votre tête, vous allez vous planter, la sermonna son collègue.

— Saint Jimbo a parlé, il ne me reste plus qu'à prier pour que sa méthode réussisse, ricana la jeune Australienne. Désolée, mais ce n'est pas parce que je suis flic que je cesse d'être un être humain. Et mon cœur me donne suffisamment de hargne pour rattraper ce genre de salaud !

— Pourquoi tient-il tellement à récupérer son fils ? l'ignora Ellison. C'est vrai, il a pris un gros risque et s'il voulait juste que son ex ne témoigne pas, il lui aurait suffi de la kidnapper, elle aussi.

— Justement, avec Bryan, il veut faire pression sur elle…

— Non, ça ne colle pas, rétorqua Jim. Le gosse va l'embarrasser plus qu'autre chose. Sierra doit bien se douter qu'on fera tout pour le retrouver.

— Vous avez pensé qu'il tenait peut-être à son fils ? objecta Megan.

— Ce genre de gars ne tient à personne, sinon à eux-mêmes.

Il s'interrompit pour désigner Simon en vive discussion avec un grand chauve à l'air sec.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il à sa collègue.

— Querelle de clocher, fit la jeune femme. Sierra travaille pour une grosse huile de la drogue et ce monsieur vient d'être nommé capitaine de la brigade anti-drogue. Il veut montrer tout de suite qu'il ne faut pas marcher sur ses plates-bandes.

— Sa tête me dit quelque chose…, murmura Ellison. La jeune Australienne s'approcha de lui.

— Dites, pourquoi avez-vous refusé que Blair nous accompagne ?

Il la regarda sans comprendre.

— C'est vrai, d'habitude, vous le traînez partout avec vous.

— Rectification : il arrive toujours à se glisser dans mes pattes. Puisqu'il veut devenir flic, il va devoir apprendre à rester à sa place.

— Je le plains. Vous avoir comme coéquipier va être pour lui un parcours du combattant.

Jim ne lui répondit pas et rentra dans la maison. Il se rendit dans la chambre de Bryan. On finissait d'y relever des empreintes. Avec un peu de chance et le signalement donné par les deux policiers, on pourrait peut-être découvrir l'identité des acolytes de Sierra et remonter jusqu'à leur employeur. Ça faisait beaucoup de conditions… Ellison se baissa pour ramasser un dessin qui avait dû tomber du bureau pendant la bagarre. Bryan y avait dessiné l'arrestation de son père. Jim secoua la tête. Décidément, les pères pouvaient être particulièrement décevants. Qu'avait pu penser le gamin en voyant le sien venir le chercher de la sorte. Qu'il l'aimait ? Qu'il voulait lui faire du mal ?

— Jim ?

L'interpellé tourna la tête vers Banks.

— Est-ce que ça va ? demanda le capitaine à son meilleur détective.

— Oui, pourquoi ? répondit celui-ci.

— Blair m'a appelé ce matin pour me dire que tu avais disparu… Je me demandais juste…

— Ne t'en fais pas, Simon. Je voulais juste faire un tour, le gamin se sera inquiété pour rien.

— Où est-il, justement ?

— Je l'ai laissé au loft.

— Ah ?

— Mais pourquoi tout le monde demande ce que j'ai fait de Sandburg ? Je ne suis pas marié avec lui, que je sache…

Sa voix mourut dans sa gorge. Il n'arrivait pas à croire qu'il avait dit un truc pareil.

— De toutes façons, fit Simon, ça vaut mieux. Le nouveau capitaine de la brigade anti-drogue enseignait encore à l'Académie de Police la semaine dernière. Voir le gosse avec toi sur le terrain, alors qu'il n'est pas encore stagiaire aurait pu causer quelques petits ennuis. Ce gars-là a le bras beaucoup trop long. Il va falloir jouer serré sur ce coup-là ou l'affaire pourrait nous échapper et lui revenir directement.

— On fera de notre mieux, lui promit Ellison en lui tendant le dessin avant de quitter la pièce.

Megan rejoignit son capitaine.

— Bizarre, murmura ce dernier.

— Quoi donc ?

— D'habitude, Jim attend que tout le monde soit parti pour chercher des indices de son côté et là, il vient juste de partir.

— Il n'est pas dans son assiette, monsieur, avoua la jeune femme.

— Vous savez quelque chose ?

Connor grimaça.

— Je ne suis pas du genre à cafter.

— Ce n'est pas votre capitaine qui vous le demande, mais un ami d'Ellison.

— Ah… Merci de me préciser la subtilité. Je crois que Sandy et lui ont un petit différend.

— Il est temps qu'ils recommencent à travailler ensemble. Quand on les sépare trop longtemps, rien ne va plus. Ce sont mes deux meilleurs éléments.

— Je sais, monsieur.

***

Jim tambourinait le rapport qu'il parcourait avec son crayon. Il n'arrêtait pas de repenser à ce qui s'était passé la veille.

Qu'est-ce qui m'a pris, bon sang ?

Il avait l'impression de sentir encore les lèvres de Blair contre les siennes. Jamais plus il n'arriverait à le regarder en face. Comment le gamin avait-il pu prendre son geste ? Il avait tellement peur de la réponse qu'il n'était pas rentré au loft hier soir, préférant accompagner Megan à l'hôpital pour en savoir plus sur l'état de Gillian O'Mara. Il avait passé son temps à boire café sur café et ça n'avait pas arrangé sa fébrilité. Il n'arrivait pas à maîtriser les tremblements de ses mains. Il essaya de détendre les muscles de ses épaules en relisant pour la énième fois le même paragraphe concernant le casier judiciaire de Sierra. Tout clochait chez lui aujourd'hui.

— Jim…

Il sursauta et leva les yeux. Blair se tenait juste devant lui. Il remarqua aussitôt le badge à sa ceinture.

— Que…?

— Je commence mon stage aujourd'hui. Je dois me présenter au bureau de Simon.

— Eh ! Sandburg, s'écria Rafe qui entrait à ce moment-là. Bienvenue parmi nous.

Taggart lui emboîtait le pas et vint serrer la main du jeune homme. D'autres vinrent le saluer. Banks mit fin à ces réjouissances en demandant l'attention de tous. Il se contenta d'adresser un signe de tête à Blair, avant de commencer à répartir les équipes pour retrouver Bryan et son père. En arrivant à Ellison, il marqua un temps d'hésitation. Jim sut aussitôt que quelque chose n'allait pas.

— Ellison, vous ferez équipe avec Taggart.

Jim vit son Guide pâlir et ouvrir la bouche pour protester :

— Mais capitaine, je…

— Sandburg, je suis désolé. Je viens de recevoir un coup de fil de l'Académie. Ils ne veulent pas que vous bénéficiez davantage d'un traitement de faveur. J'ai eu du mal à vous garder dans ce service, on voulait vous affecter ailleurs.

— Où ça ? demanda Jim d'un ton qui attira sur lui tous les regards.

— A la brigade anti-drogue.

Ellison échangea un regard avec Connor qui secoua la tête d'un air consterné.

— J'ai dû batailler ferme pour vous garder, ajouta le capitaine en s'adressant au gamin. Et j'ai obtenu que vous fassiez équipe avec Connor en prétextant le fait que vous aviez déjà travaillé ensemble et que dans le cadre de l'échange inter-polices, les Australiens apprécieraient qu'elle ait enfin un coéquipier. Enfin, bref… Mon argument et quelques noms ont fait leur effet. Ce n'est que provisoire, précisa Simon, ce qui lui valut quelques commentaires peu enthousiastes de la part de son service. Inutile de s'atermoyer. Au travail !

Comme il prononçait ces mots, Jim se leva et appela Taggart. Il avait prévu d'interroger une des connaissances de Sierra qui pourrait peut-être le renseigner sur les endroits que ce dernier fréquentait et qui pouvaient lui servir de cachette. Ellison évita de regarder Blair dont il sentait pourtant les yeux posés sur lui.

— Allez, Sandy, entendit-il Megan qui tentait de consoler le gamin, ce n'est pas si terrible que ça de travailler avec moi.

— Non… Non… Bien sûr…

Jim n'entendit pas le reste de leur échange, il était déjà dans le couloir, Joël devant le suivre à grands pas pour ne pas se laisser distancer.

— C'est vraiment dommage pour tous les deux, commenta ce dernier comme les portes de l'ascenseur s'ouvrait. Ellison ne se donna pas la peine de lui répondre, mais croisa le regard de Blair au moment où les portes se refermaient. Il n'avait jamais vu une telle déception sur le visage de son Guide. Et c'était d'autant plus terrible que Jim éprouvait un curieux soulagement. Comment aurait-il pu travailler avec Sandburg après ce qui s'était passé entre eux…? Et pourtant, il se faisait une telle joie de pouvoir reformer leur équipe ! Oui, mais c'était avant… qu'il ne se comporte comme le roi des imbéciles. Le gamin n'avait pas beaucoup protesté, en fait. Il s'était beaucoup plus révolté quand la remplaçante de Simon l'avait éjecté du service parce qu'il n'était pas flic. Maintenant qu'il l'était, il avait davantage droit au chapitre et était resté bien silencieux.

Il m'en veut sûrement.

Cette pensée ne réussit pourtant pas à convaincre Jim.

***

— On n'avance pas, s'exclama Megan qui passait sa frustration sur le distributeur de cochonneries sucrées dont tout bon flic devait se nourrir pour passer son stress. D'habitude, elle évitait de se frotter à ce genre de machine, pour le bien de sa ligne, mais là, elle n'en pouvait plus. Cela faisait trois jours que Bryan avait disparu. Elle rendait visite à sa mère tous les soirs pour lui donner la même réponse : l'enquête progressait. C'était l'excuse la plus vague pour couvrir un échec. Sierra et son fils s'étaient comme volatilisés. Nul doute que Berto bénéficiait d'un appui dans cette affaire, et pas n'importe lequel. Le problème, c'est qu'il y avait plusieurs candidats sur la liste de ses éventuels employeurs. Et pas moyen d'en choisir un. C'était la première fois qu'elle se sentait aussi impuissante depuis qu'elle avait rejoint la police de Cascade. Et elle savait que son sentiment était partagé par tous ses collègues. Ellison était d'une humeur de bouledogue. Il ne lui adressait carrément plus la parole. Sandburg n'était plus que l'ombre de lui-même. Elle n'osait pas imaginer l'ambiance au loft… Sauf que d'après Taggart, Jim et lui avaient passé les deux dernières nuits à suivre des pistes qui s'étaient révélées infructueuses. Justement, Blair arrivait, la mine défaite et avec un air pitoyable qu'elle ne supportait plus.

— Cette fois-ci, c'en est trop ! jura-t-elle, balançant la barre chocolatée qu'elle avait réussie à arracher au distributeur après quelques vigoureux coups de pieds. Elle traversa telle une Furie l'allée qui conduisait au bureau du capitaine et frappa à la porte. Banks lui dit d'entrer et elle n'y alla pas par quatre chemins.

— Capitaine, je veux changer de coéquipier.

Son supérieur la regarda un long moment avant de répondre :

— Vous avez quelque chose contre Sandburg.

— Absolument pas, se défendit-elle, mais c'est injuste. Il devrait faire équipe avec Ellison, ça a toujours été comme ça !

— Le gamin ne fait pas correctement son boulot ?

— Il est très efficace, mais vous ne pouvez pas savoir ce que c'est que de passer son temps avec un partenaire qui a un air de chien battu.

— Que voulez-vous dire ?

— Il ne me parle que par onomatopées : Oui, non, à vos ordres…

Elle fut interrompue par plusieurs coups frappés à la porte du capitaine. Taggart entra à son tour.

— Est-ce que je peux vous parler une minute ?

Il fixa Megan avec malaise, puis se décida à lâcher le morceau :

— C'est à propos d'Ellison. Je crois que c'est une mauvaise idée de l'avoir séparé de Sandburg.

— Vous n'allez pas vous y mettre vous aussi, pesta Banks. Je vais les convoquer dans mon bureau et remettre les pendules à l'heure.

— Ne faites surtout pas ça, s'exclama Connor, ou alors, pour leur annoncer qu'ils font de nouveau équipe.

— Qu'est-ce qui cloche avec Ellison ? s'enquit leur supérieur.

— Absolument rien, fit Taggart. Il est efficace, mais il lui manque… Je ne sais pas, je n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

— Ça ne fait pas des étincelles comme d'habitude, compléta Megan à sa place. Quand ils travaillent tous les deux ensemble, on dirait… une machine qui démarre au quart de tour. Même dans l'improvisation, ils sont excellents. Je dois admettre que je n'ai jamais vu un duo pareil. Capitaine, si nous voulons retrouver Bryan, nous avons besoin de l'instinct exceptionnel d'Ellison et de la… sagacité de Sandburg de nouveau associés.

Banks hocha la tête et elle sut qu'il avait compris ses sous-entendus.

— La vie d'un enfant vaut tout de même plus que les caprices des huiles, renchérit Taggart… Sans vouloir vous offenser, monsieur, ajouta-t-il.

— Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire, soupira leur capitaine. Nous piétinons sur cette histoire. On va ruser. Officiellement, Joël et Jim feront équipe avec vous et Blair, annonça-t-il en s'adressant à Megan. Officieusement, allez annoncer à ces deux-là qu'ils bosseront désormais de nouveau ensemble.

— Merci, monsieur, fit Connor avec soulagement. Elle sortit avec Taggart du bureau et ils se dirigèrent tous les deux vers Ellison qui discutait au téléphone.

— Qu'est-ce qu'il y a ? leur demanda-t-il une fois qu'il eut raccroché.

— Joël, informez Sandburg de la décision du capitaine, s'il vous plaît, dit Megan qui se tourna ensuite vers Jim et lui dit tout bas :

— Je vous rends votre Guide, Sentinelle.

Elle vit son collègue ciller et une lueur éclaira son regard. Il avait tout à coup l'air d'un gamin qui voyait son plus beau rêve se réaliser. Incapable de parler, Ellison se contenta d'opiner. Son silence valait cependant tous les remerciements du monde. Taggart revenait déjà avec Blair. Lui aussi était comme transfiguré. Il alla immédiatement prendre place à côté de son coéquipier. On n'a pas encore les étincelles, songea la jeune femme en observant la façon dont ils se tenaient tous les deux près de l'autre. Mais je vais tout faire pour profiter du feu d'artifices. Elle expliqua brièvement le plan du capitaine.

— OK, approuva Jim. Que diriez-vous de retourner examiner la maison ? Un indice nous a peut-être échappé.

— Vous avez raison. Il faut reprendre cette enquête depuis le début, acquiesça Megan. Vous deux, repartez sur les sentiers de la guerre. Joël et moi allons récupérer toutes les pièces du dossier. On se retrouve dans une heure sur les lieux. Vous êtes encore là ! s'exclama-t-elle, les mains sur les hanches. Ellison éclata de rire et attrapa son manteau.

— En route, grand chef ! lança-t-il joyeusement à Blair qui lui emboîta le pas. Connor se retourna et remarqua les sourires entendus sur les lèvres des autres policiers qui suivaient des yeux le tandem.

— C'est vraiment génial ce que vous avez fait, Megan, lui confia Taggart.

— N'en parlons plus. Tout ce que je veux, c'est qu'on retrouve Bryan. Il nous faut toutes les chances de notre côté.

Une fois à la voiture, Jim se tourna vers son coéquipier. Ce dernier n'osait même pas le regarder. Il était là… et ailleurs.

— Ça va, grand chef ?

— Je croyais que tu ne voulais plus de moi comme partenaire. Je n'ai rien compris à cette histoire, maugréa-t-il en faisant le tour de la camionnette.

— Tu n'as tout de même pas cru que j'y étais pour quelque chose ?

Le gamin le regarda d'un drôle d'air :

— Que pouvais-je penser, vu ton attitude de ces derniers jours ?

— Que j'étais en colère… contre moi.

— A propos de… – Blair eut un geste vague et devint écarlate – ce qui s'est passé le week-end dernier.

— Ellison ! appela une voix. Jim se retourna pour voir Rafe courir vers lui et lui tendre un dossier

— C'est le dossier scolaire de Bryan. Son école vient juste de nous l'envoyer. Et le gosse a fait apparemment quelques séjours à l'hôpital et semble souffrir de troubles psychiatriques, ajouta-t-il en s'adressant plus particulièrement à Sandburg auquel Jim passa le dossier en montant dans la voiture.

— Merci pour le tuyau, fit-il son collègue. Rafe les salua de la main comme Ellison démarrait, tout en jetant un coup d'œil à son partenaire, déjà plongé dans le rapport. Blair resta toutefois silencieux pendant tout le trajet, ce qui arrangeait Jim. Maintenant que la joie de savoir qu'ils faisaient de nouveau équipe était passée, Ellison se sentait de nouveau pris au piège. Cette sensation ne l'avait pas quitté depuis des jours. Comment crever l'abcès, bon sang ? Certes, Megan lui avait rendu son Guide, mais restait encore à renouer le dialogue. C'était lui qui était en faute. A lui, donc, de faire le premier pas.

— Intéressant, maugréa soudain celui-ci.

— Tu as trouvé quelque chose ?

— Oui, mais je ne suis pas vraiment sûr de mes déductions.

— Dis toujours.

Tout plutôt que ce silence.

— Bryan semble être un élève très brillant, et même plus que la moyenne, mais il est aussi très solitaire, voire asocial. Il n'arrive pas à s'entendre avec ses camarades. Il y a plusieurs notes signalant des comportements bizarres. Hypersensibilité… Etat catatonique. C'est bizarre…

Sandburg feuilleta plusieurs pages, l'air de plus en plus tendu.

— Le jeune garçon est resté plusieurs minutes plongé dans un état cataplectique, ne répondant à aucun stimulus, lut Sandburg à voix haute. Il gardait juste les yeux grands ouverts, ses pupilles étaient dilatées, son rythme cardiaque élevé… C'est une note du directeur de son école, précisa Blair.

— Qu'est-ce qui t'intrigue là-dedans ? Il a juste fait un malaise.

— Dont les symptômes ressemblent étrangement à ceux d'une Sentinelle en train de zoner.

— Quoi ? laissa échapper Ellison avec stupeur. Tu veux dire que… Non… C'est impossible !

— Tu sais pourtant depuis Alex Barnes que tu n'es pas unique. Pourquoi est-ce qu'il n'y en aurait pas d'autres comme toi…? Evidemment, je peux me tromper.

— Si Bryan est une Sentinelle, j'aurais dû le sentir, rétorqua Jim, comme avec Alex…

— Alex était une aberration contre laquelle tes sens ont pu te prévenir. Elle représentait une réelle menace, contrairement à ce garçon. Il est bien trop jeune, en outre, pour te concurrencer sur ton territoire.

Ellison grimaça. Quand Sandburg parlait de lui en ces termes, il se faisait l'effet d'un ours mal léché. Il réfléchit quelques secondes avant de murmurer :

— Ça expliquerait pourquoi son père voulait autant le récupérer.

— Pour utiliser ses capacités, tu veux dire ? enchaîna son coéquipier ; Jim hocha la tête.

— Je m'en suis bien servi pour me faire passer pour un roi de la cambriole

Il prit une allée bordée par des pavillons tous identiques et s'arrêta devant l'un d'eux, entouré par les bandeaux jaunes de la police.

— J'aurais quand même dû le remarquer, reprit tout à coup Ellison. Pour un gars avec des sens hyper développés, je suis vraiment aveugle…

— Content de te l'entendre dire. Et en ajoutant aussi borné et insensible, on aura fait le tour, répliqua Blair en descendant de voiture. Comme son coéquipier ne répondait pas, il ajouta :

— Je vois que tu as décidé de jouer les martyrs et d'encaisser les coups sans réagir en te disant que je finirai bien par me calmer et passer l'éponge.

Jim ouvrit la bouche pour protester. Mais la perspicacité de son Guide avait encore visé juste.

— Ecoute, je m'excuse, d'accord. Je me suis comporté comme un idiot ces derniers jours et j'ai conscience que tu as pu en être blessé, fit-il d'un débit rapide pour ne pas laisser le temps à Blair d'en placer une. Dès que cette histoire sera finie, on en reparlera, OK ?

— Oui, bien sûr, reculer pour mieux sauter, se cacher derrière le paravent du boulot. Tu vas ensuite invoquer le fait que la vie d'un enfant est en jeu et que notre désaccord ne doit pas interférer avec l'enquête. Je te connais par cœur, Ellison. N'empêche que ce qui s'est passé entre nous ne va pas s'effacer d'un coup de baguette magique.
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MessageSujet: Re: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitimeDim 12 Sep - 21:28

Jim blêmit.

— Tu veux parler du… enfin… du… – il se racla la gorge. De mon geste malencontreux.

Blair laissa échapper un rire sans joie, comme ils entraient dans la maison.

— Tu m'as embrassé, Jim !

Ellison trébucha en passant le seuil.

— Mais je dois avouer, fit Blair en lui emboîtant le pas, que tu embrasses très bien.

Jim se retourna vivement et, ce faisant, se cogna contre la chambranle de la porte du salon. Son Guide le considérait d'un drôle d'air, mi-amusé, mi-sérieux. Puis son expression se figea. Ellison distingua une ombre dans son champ de vision qui se précipitait vers lui. Il fut heurté avec violence et garda son équilibre de justesse. Il entendit le cliquetis d'une arme et eut juste le temps de se coucher. L'autre le manqua de peu.

— Jim ! entendit-il crier. Il se redressa pour voir un homme de forte corpulence qui braquait son arme sur lui, tout en maintenant Sandburg par les épaules. Le gamin se débattait pour prendre son pistolet que son agresseur lui arracha sans difficulté.

— Si tu bouges, je descends ton copain, menaça le type en pointant son arme sur la tempe de Blair. Une BMW déboula dans la rue en faisant crisser ses pneus et freina sèchement devant le pavillon. Le malfrat entraîna Sandburg à sa suite et le força à monter dans le véhicule. Jim se précipita derrière lui et bondit sur le capot. Leur agresseur ordonna à son complice de démarrer, tandis qu'il entravait Blair. Mais Ellison tint bon et résista au départ abrupt de la voiture en se rattrapant aux essuie-glace. La BMW commença à faire des zigzags. Jim sentait qu'il lâchait prise. Un nouveau virage le balança violemment sur la gauche. Ses mains glissèrent et il tomba, percutant rudement le bitume et roulant sur lui-même.

Comme il essayait de reprendre ses esprits et de se relever, il entendit la voiture faire brusquement demi-tour.

Lève-toi, s'ordonna-t-il. Allez, fais un effort.

Mais il était complètement groggy, ses muscles ne lui répondaient plus. Le moteur de la BMW rugissait dans sa tête dans un hurlement de rage. Il releva la tête pour la voir faire un drôle d'écart. Sa vision lui permit de constater que Blair se battait avec le conducteur et son complice.

— Il est complètement dingue ! maugréa Ellison qui en profita néanmoins pour se dégager le plus vite possible. Mais la BMW continua sa course folle sous son regard horrifié et alla percuter la devanture d'un magasin en travaux. Jim en oublia aussitôt ses mains écorchées, son genou douloureux et se précipita vers la voiture.

— Non… Non…, ne cessait-il de répéter. Il arriva à la hauteur de la portière arrière et essaya de l'ouvrir, tout en examinant l'intérieur de l'habitacle. Blair était inconscient et son visage couvert de sang. Cependant, Jim entendit le bruit de sa respiration. Mais il perçut aussi un autre son qui le fit frémir : le carburateur venait de prendre feu. S'il atteignait le réservoir… Ellison se débattit pour ouvrir la portière. De la fumée commençait à s'échapper du capot.

— Non… Non ! hurla-t-il, saisi de panique. Sandburg, réveille-toi ! Allez ! Ouvre les yeux, grand chef, il faut que tu sortes de là. Sandburg !

Aucune réaction. Jim donna un grand coup de poing dans la vitre qui vola en éclat. Puis il attrapa le gamin par le col de sa chemise, pour le ramener vers lui et le faire passer par la vitre. Mais elle était trop petite ! Il essaya de débloquer la portière de l'intérieur, puis, fou de rage, il la saisit à pleines mains et l'arracha à son tour. Il ne pensa même pas au truc complètement dingue qu'il venait de faire. Il n'entendait que la voix qui répétait sans cesse dans sa tête : Sauver mon Guide… Sauver mon Guide… Il souleva Sandburg dans ses bras et le traîna le plus vite et le plus loin possible de la voiture. Au moment de s'éloigner, il entendit le conducteur gémir. Mais c'était trop tard. Le feu venait d'atteindre le réservoir qui explosa.

***

Megan arriva aux urgences en trombe. La jeune Australienne ne prit pas le temps de se garer correctement. Taggart émit un son étouffé en se cognant contre le tableau de bord, parce qu'elle freinait brusquement. Elle sortit de la voiture comme un diable de sa boîte et se précipita à l'intérieur. Elle repéra rapidement la grande silhouette du capitaine Banks qui discutait avec Ellison. Elle était étonnée qu'il l'ait devancée, alors qu'ils avaient quitté le central en même temps.

— Il a mis le turbo, commenta Joël qui la rejoignait. Est-ce que ça va, Jim ?

L'interpellé tourna son regard vers eux. Megan tressaillit. Il avait l'air complètement perdu, avec une drôle de lueur dans les yeux, quelque chose entre la rage froide et le désespoir. Ses mains étaient pansées, son visage portait quelques ecchymoses, mais il avait l'air en bonne santé.

— Comment va Sandy ? demanda sa collègue.

— Ils sont en train de l'examiner. Il doit avoir un traumatisme crânien, mais ça n'a pas l'air trop grave, la rassura le capitaine qui demanda ensuite à Jim de leur raconter ce qui s'était passé. Ellison s'exécuta presque à contrecœur.

Il devrait plutôt lui foutre la paix, songea la jeune Australienne qui écouta toutefois son récit avec attention, les mains croisées sur la poitrine. Quand Jim leur expliqua comment il avait sorti Blair de la voiture, Taggart s'exclama :

— Tu as carrément arraché la portière !

Jim se contenta de hocher la tête.

— L'énergie du désespoir, commenta Megan. Banks se tourna vers elle :

— Qu'avez-vous dit ?

— C'est quelque chose de très connu. Une mère de famille a ainsi réussi à soulever la voiture sous laquelle se trouvait sa fille. Elle a eu tellement peur que l'adrénaline l'a dopée et elle a réussi cet exploit. Après, elle était complètement vidée.

— Pourquoi ont-ils voulu enlever Sandburg ? fit Taggart avec étonnement. Ça n'a aucun sens !

— Joël, pourrais-tu aller me chercher un café ? demanda Ellison.

Son collègue pâlit de surprise, avant de murmurer :

— Tout de suite.

Mais on voyait à son expression qu'il savait qu'on voulait le mettre à l'écart. Pourtant, il ne fit aucun commentaire et se dépêcha de s'acquitter de sa mission.

— J'ai une théorie à propos de cet enlèvement, confia Ellison à son capitaine et Megan. Juste avant d'arriver au pavillon, Blair a découvert que Bryan pourrait être… une Sentinelle.

Simon en demeura coi pendant quelques secondes :

— Encore une autre ! s'exclama-t-il. Ma parole, vous vous déplacez en meute, maintenant ?

— Voilà qui explique beaucoup de choses, réagit Megan plus calmement. Berto veut probablement se servir de son fils pour commettre ses crimes.

— Et il a voulu me prendre mon Guide.

Le ton d'Ellison lui fit froid dans le dos. Il avait serré les poings et sa mâchoire était crispée

— Une Sentinelle a besoin d'un Guide pour utiliser pleinement ses capacités, expliqua-t-il d'un ton bizarrement détaché. Avec le ramdam qui a été fait autour de la thèse de Sandburg, Sierra a pu faire le rapprochement avec les capacités de son fils. Et comme il a besoin d'en savoir plus, il a voulu kidnapper Blair. Ils nous attendaient, Simon, ajouta Jim en plongeant ses yeux dans ceux de son capitaine. Ils devaient se douter qu'on reviendrait tôt ou tard au pavillon et qu'ils pourraient en profiter pour enlever le gamin.

— Je pense plutôt que c'est de l'improvisation, réfuta Megan. Regardez comment ils ont pris Bryan, c'est du travail de pro. S'ils voulaient Sandy, ils auraient tout aussi bien pu venir le kidnapper au loft.

— Qu'est-ce que vous en savez ? fit Jim d'un ton rogue.

— J'applique vos conseils, je me sers de ma tête et pas de mon cœur, lui renvoya-t-elle. A mon avis, vous avez plutôt surpris ce type et il a pris une initiative… malencontreuse. Je ne renie pas le fait qu'il pouvait vouloir kidnapper Blair, mais pas comme ça. Il faudrait retourner au pavillon, le soulever pièce par pièce, arracher le papier peint s'il le faut, mais je suis certaine qu'il y a quelque chose là-bas qui intéresse Sierra. Je vais y aller. Dès que vous serez fixé pour Sandburg, pourriez-vous me rejoindre là-bas ? demanda-t-elle à Ellison sur un ton très doux qui ne lui était guère coutumier quand elle s'adressait à lui ? Enfin… si vous vous sentez en état.

Elle savait qu'elle risquait un refus, Ellison ne voudrait probablement pas abandonner son Guide. Aussi fut-elle surprise de voir Jim se lever avec lenteur. Son capitaine eut un geste vers lui en le voyant vaciller, mais le détective soutint courageusement son effort et lui adressa un sourire pour le rassurer.

— Pas de problème.

— Tu devrais plutôt retourner te reposer à ton appartement, objecta Simon.

— Pas question. Si je reste là-bas à attendre sans rien pouvoir faire, je vais devenir fou. Banks chercha son portable dans le revers de sa veste.

— Qu'est-ce que tu fais ? s'étonna Jim.

— Je vais m'occuper de faire mettre un policier en faction devant la chambre de Sandburg. Mieux vaut être prudent.

Comme il parlait ainsi, Taggart revenait, suivi par un médecin qui les interrogea :

— Etes-vous de la famille de Blair Sandburg ?

— Non, je suis son coéquipier, réagit aussitôt Jim. L'autre le jaugea un instant du regard, puis remarqua la plaque de police à sa ceinture, ainsi que celle du capitaine.

— Les examens l'ont confirmé, votre ami ne souffre que d'un léger traumatisme crânien, de quelques coupures et ecchymoses. Nous le gardons en observation pendant 24 heures. Il a eu beaucoup de chance, si j'en crois les ambulanciers.

Megan baissa la tête pour ne pas masquer son sourire. Elle était soulagée et en même temps toujours épatée par ce que Sandburg et Ellison étaient capables de réaliser ensemble. Arracher une portière ! Il fallait tout de même que Jim ait quelque chose de vraiment important à sauver dans cette voiture.

— Quand pourrons-nous le voir ? s'enquit Banks, devançant ainsi son meilleur détective.

— Pour l'instant, il est sous sédatif. Cela ne servirait à rien de le déranger. Revenez dans une ou deux heures… Plutôt deux heures.

— Voilà qui nous laisse le temps d'aller examiner le pavillon, approuva Ellison. On y va, Connor ?

Celui-là, il était increvable ! s'étonna la jeune femme. Il suffisait qu'on lui dise que son Guide allait bien pour qu'il reparte à l'attaque.

— Allons-y, Jimbo.

Elle le surveilla toutefois du coin de l'œil, prête à l'aider s'il se sentait mal. Mais cette Sentinelle avait sa fierté. Elle surprit toutefois un mouvement d'hésitation comme il allait partir.

— Ne t'inquiète pas, fit Simon, je reste sur place en attendant la relève.

Jim lui adressa un sourire reconnaissant, avant d'emboîter le pas à sa collègue.

***

— Alors, vous avez quelque chose ?

Cela faisait deux bonnes minutes qu'Ellison examinait les plinthes de la chambre que Bryan avait occupée.

— J'ai l'impression que ça sonne creux, là.

Il tapa contre le mur.

— Cette maison a autrefois servi de planque à des dealers. Bryan a peut-être trouvé une de leurs cachettes pour y cacher un objet auquel il tient. C'est comme ça que je ferai, ajouta Jim, si je me retrouvais dans un endroit inconnu avec un trésor à cacher.

— Réaction de Sentinelle ? commenta Megan.

— Voilà le genre de truc que m'aurait lancé Sandburg. Sans doute une façon de s'approprier un nouveau territoire.

Jim essaya d'ôter la plainte, mais ce n'était guère aisé avec ses mains blessées. Connor fouilla dans sa veste et en sortit un petit couteau.

— Précaution d'usage, dit-elle devant l'air étonné d'Ellison.

— C'est vrai que les Australiens et les couteaux…

— Epargnez-moi les clichés avec Crocodile Dundee et écartez-vous un peu, Jimbo, le houspilla-t-elle. Elle utilisa la lame du couteau comme levier et réussit à enlever la plinthe, découvrant ainsi une cachette dans laquelle elle glissa la main. Beurk ! Il y avait des toiles d'araignées. Mais elle attrapa quelque chose et le tira vivement vers la lumière.

— Un journal ? réalisa-t-elle en feuilletant des pages noircies par une écriture enfantine. Ce gosse tient un journal ? C'est plutôt étrange pour quelqu'un de son âge.

— Pas si c'est le seul ami qu'il a au monde, rétorqua Ellison à qui elle le tendit. Il le parcourut brièvement, visiblement gêné de violer ainsi le bien d'une autre Sentinelle.

— C'est pour la bonne cause, lui fit remarquer Megan. Il y a peut-être un indice là-dedans qui pourrait nous conduire jusqu'à lui. Et mieux vaut que ce soit vous qui lisiez ça, histoire que ça reste dans la tribu.

— Très drôle, Connor ! rouspéta Ellison. Vous pensez que c'était ce que cherchait celui qui nous a attaqués ?

— Vous, vous êtes impatient de retourner auprès de votre Guide, lui renvoya-t-elle.

— Je… Je m'inquiète pour lui, c'est plus fort que moi.

Elle n'avait jamais vu Ellison avec cet air penaud.

— Vous vous êtes réconciliés, tous les deux ? osa-t-elle le questionner. Il lui lança un regard méfiant. Taggart, le capitaine et moi prenons tout de même des risques pour vous permettre de bosser ensemble. Alors, on espère que ce n'est pas pour rien.

— Vous parlez d'une réussite. Notre première sortie en tant que flics et je le laisse se faire prendre par le premier truand venu !

— Sandburg aurait dû être sur ses gardes et vous couvrir comme un policier et non comme une nounou. Vous êtes terribles, tous les deux !

— C'est vrai qu'on s'est laissé surprendre. J'étais distrait… J'aurais dû percevoir la présence de ce type à l'intérieur…

— Allez, je ne suis pas là pour vous faire des reproches. Il va juste falloir que vous retrouviez vos marques avec votre coéquipier et ça ira mieux.

— Vous pensez que c'est si simple que ça ?

— Je n'en sais rien, moi, je ne suis pas marabout

— C'est shaman, la corrigea Jim. Blair est mon shaman, pas un marabout.

— Si vous le dites… On refait un passage dans toutes les pièces et ensuite… Vous voulez que je vous raccompagne au loft ?

— Non, j'avais laissé ma voiture juste devant. Merci quand même.

— Je ne suis pas certaine que vous soyez en état de conduire.

— Ça ira ! Avant de rentrer, je veux passer à l'hôpital. Et je préfère me débrouiller tout seul !

— Je voulais juste être un peu gentille.

— Désolé, s'excusa Jim, ce qui la surprit totalement. Je suis sur les nerfs. Il sortit à pas lourds de la pièce et réexamina le salon avec minutie, puis la cuisine, les deux autres chambres et même la salle de bains et les toilettes.

***

Jim entra doucement dans la chambre. L'infirmière lui avait dit que Blair ne s'était toujours pas réveillé et qu'il ne devait pas s'attarder. Mais il voulait voir son Guide, pour être certain que tout allait bien. Un silence un peu lourd régnait dans la pièce. Le gamin était branché à des machines qui surveillaient son rythme cardiaque et son encéphalogramme. Ellison s'approcha du lit et se pencha au-dessus de son ami. Ses mâchoires se crispèrent à la vue de l'ecchymose qui marquait sa joue et des coupures sur son visage. Jim se pencha encore pour sentir le souffle régulier de son coéquipier. Ses yeux s'attardèrent sur ses lèvres entrouvertes. De nouveau, ses sens s'affolèrent. Quelle tentation ! Il ne put résister. Avant de réaliser ce qu'il faisait, il embrassa le jeune homme. Quelque chose en lui lui sommait d'arrêter, mais il refusait de lui obéir. C'était si bon de sentir la chaleur de son Guide, d'entendre la vie faire pulser son cœur. Il fut surpris quand la main de son coéquipier remonta le long de son bras et l'agrippa. Blair gémit et ouvrit les yeux. Ellison s'écarta.

— Hmm… Je préfère ce genre de réveil plutôt que quand tu hurles mon nom, fit Sandburg d'une voix un peu pâteuse.

— Euh… – Jim se racla la gorge, tout en se redressant. Co… Comment tu te sens ?

— J'ai mal à la tête… J'ai soif…

Ellison se précipita pour lui remplir un verre d'eau. Son sang battait si fort dans ses veines qu'il l'assourdissait.

— Je suis à l'hôpital ? demanda le jeune homme.

— Tu ne te souviens pas ? réagit sa Sentinelle avec inquiétude. Tu as joué les héros…

— Oui, ça me revient maintenant. La voiture… Ces types… Il voulaient t'écraser. Je n'ai pas réfléchi…

— J'ai bien cru que tu allais y rester, soupira Jim. Manquer de te perdre deux fois en quelques mois, ça commence à faire trop.

Sandburg le fixa un moment comme s'il ne comprenait rien à ce qu'il disait.

— Je vais te laisser, annonça Ellison. Tu dois te reposer.

Comme il se dirigeait vers la porte, Blair l'appela :

— Tu n'oublies pas quelque chose ?

— De quoi veux-tu parler ? fit Jim avec étonnement. Son coéquipier lui fit signe d'approcher.

— Plus près, ordonna-t-il, alors qu'Ellison hésitait. Encore…

Leurs visages étaient près de se toucher. Blair se redressa légèrement et s'empara de ses lèvres, avant de se laisser retomber lourdement en arrière, en souriant devant l'air médusé de sa Sentinelle.

— C'est une habitude que tu vas devoir prendre. Moi, en tous cas, je commence à y prendre goût.

Il rit doucement en fermant les yeux. Jim le considéra quelques instants d'un air songeur. Sandburg s'était rendormi.

— Où est-ce que ça va nous mener tout ça, buddy ?

~~~~~~~~ Chapitre V ~~~~~~~~

Jim gara la camionnette au bas de l'immeuble et considéra un moment la fenêtre sombre du loft. Il avait pourtant toujours été un solitaire, mais imaginer le silence qui l'attendait à son appartement lui donnait des frissons. Il attrapa sa veste sur le siège à côté de lui. Son poids insolite lui rappela qu'il avait glissé le journal de Bryan dans une de ses poches. Il le sortit et l'examina tout en se dirigeant vers l'entrée et l'ascenseur. Il se sentait toujours aussi mal à l'aise à l'idée de le lire, mais Connor avait raison. Etait-ce une façon pour le gamin de remplacer son Guide ? Jim se demanda aussitôt si toutes les Sentinelles avaient forcément leur shaman. Ça paraissait logique et ça coïncidait avec certains propos d'Incacha, y compris dans ses rêves.

En entrant dans le loft, Ellison se dirigea vers sa chaîne Hi-Fi. Elle croulait sous un amas de CD appartenant à Blair. Le gamin avait le don d'acheter des drôles de trucs, du hard rock au new age, et autres albums composés de bruits de la nature et de mélodies qui s'y raccordaient plus ou moins bien. Curieusement, alors qu'il avait une ouïe hyper développée, Jim n'aimait pas beaucoup la musique. Il aurait pourtant dû avoir l'oreille musicale. Sandburg le lui avait déjà fait remarquer plusieurs fois. Mais ce soir, c'était le silence qu'Ellison ne supportait pas. Il lorgna les pochettes des albums : Deep Forest, Enigma, The Celestine Prophecy… Jim se souvint d'avoir vu un bouquin du même nom traîner sur la table du salon deux semaines plus tôt. Sandburg avait essayé de lui expliquer le contenu de ce livre, mais il n'avait rien compris. Ces histoires de… paliers qu'il fallait franchir pour accéder à la révélation sur son humanité…, cela n'avait pas beaucoup de rapport avec l'univers d'Ellison. Il choisit pourtant ce CD et alla chercher de quoi manger dans la cuisine, avant de s'installer sur le canapé. Tout en grignotant, il commença à lire le journal de Bryan, d'abord avec réticence, puis avec un intérêt de plus en plus vif, parce qu'il se reconnaissait dans ce que ce gosse écrivait.

C'est tellement difficile de vivre avec ça. Personne ne peut comprendre. Les autres, ils me regardent comme si j'étais cinglé, ils me rejettent. Je m'oblige pourtant à faire comme eux, à m'intéresser à leurs jeux débiles, à participer en classe alors que les questions des professeurs sont si stupides. Mais pourquoi faut-il que ça soit moi qui colle à leur monde et pas eux ?



Papa et maman se sont encore disputés, hier soir. Je déteste les entendre hurler, on dirait qu'ils ne savent plus faire que ça. J'ai envie de me tirer de cet endroit. Je suis certain que si je partais un matin, personne ne s'en rendrait compte ou tout le monde dirait : bon débarras. Je ne compte pour personne. Je suis tout seul.



Je ne peux même pas me faire confiance. Il faut que je me surveille, que je garde le contrôle, sinon, tout s'emballe et je tombe dans les pommes.



Personne ne peut m'aider.

Je suis un monstre.

Jim essaya de détendre ses épaules contractées. Il décida d'arrêter là pour ce soir. Les lettres commençaient à danser devant ses yeux fatigués. Il reposa le journal et se laissa aller en arrière, prêtant attention à la musique qui tournait en boucle sur la platine laser. C'était pas mal, finalement, rien à voir avec le hard rock que le gamin écoutait par période. Là, les sons semblaient avoir leur vie propre. C'était assez bizarre comme impression, mais pas vraiment désagréable…

Avant qu'il s'en rende compte, Jim sombra dans le sommeil.

Un rêve étrange le plongea dans son passé. Il était dans la cour de l'école, entouré par d'autres gamins qui le bousculaient.

— Arrête de dire n'importe quoi, Ellison. T'as pas pu voir ce truc, c'était trop loin. Tout ça, c'est de la frime.

— Mais je vous jure que le ballon est retombé chez M. Cornelly, s'entêtait-il. Les grands en moto l'ont pris dans la rue et l'ont lancé dans cette direction.

— Ne te fiche pas de nous…

Le plus grand de ses persécuteurs, Harry, lui envoya un coup de poing dans le ventre qui lui coupa le souffle. Puis il se retrouva brusquement devant la porte de sa chambre. Son père était furieux.

— Tu ne dois parler de ça à personne ! lui cria-t-il au visage. Veux-tu qu'on te prenne pour un monstre ?

Hébété, Jim recula d'un pas. Son père continuait de hurler :

— Les gens comme toi, on les enferme dans des laboratoires et on les dissèque pour savoir ce qui cloche chez eux. Je ne veux plus que tu fasses tes sales tours, tu m'entends !

Jim se rua vers la porte de sa chambre, l'ouvrit à grande volée et s'arrêta net sur le seuil en découvrant la végétation luxuriante de la jungle péruvienne. Il sentit soudain la main de son père sur son épaule.

— Si tu vas là-bas, tu ne pourras plus faire demi-tour. Je ne pourrai plus rien pour toi.

Comme il parlait ainsi, un loup surgit des fourrés et s'assit, comme s'il l'attendait. Jim jeta un regard à son père qui s'était figé, puis il se libéra de son étreinte et lança au vieux :

— Je suis une Sentinelle ! Et j'ai pu aider plein de gens grâce à mon don. Je ne suis pas un monstre ! Je suis quelqu'un de bien.

— Si tu franchis cette porte, tu ne seras plus mon fils.

Le loup se mit à gronder. Jim considéra son père un moment, avant de murmurer :

— J'ai une nouvelle famille, maintenant.

Il fit volte-face et courut vers le loup qui se remit sur ses pattes et l'accueillit en lui léchant les mains et le visage. Puis il l'attrapa par la manche de sa chemise et le tira vers les fourrés. Jim comprit qu'il devait le suivre. Il plongea dans l'amas de fougères et de feuillages et quand il en ressortit, il était de nouveau adulte. Le jaguar se matérialisa sur sa droite et rejoignit le loup. Tous deux trottèrent jusqu'aux premières marches de l'étrange temple qu'Ellison ne cessait de voir dans ses rêves. Mais au moment de se diriger vers l'édifice, il capta soudain un bruit sourd, comme… comme celui d'une cascade. Délaissant la panthère et le loup, il préféra prendre cette direction et déboucha dans une petite vallée encaissée. Il contempla la chute vertigineuse de l'eau qui se terminait dans un petit lac enchâssé dans un écrin de verdure.

— J'ai envie de piquer une tête, le fit sursauter une voix familière.

— Blair ? s'étrangla presque Ellison. Qu'est-ce que tu…?

Mais il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Le gamin courait déjà vers le lac. Il disparut à sa vue et Jim se décida à le suivre. Quand il arriva au bord de l'eau, il n'y avait personne. C'était vraiment magnifique ! Il était cependant étonné que son ouïe ne soit pas indisposée par cette rumeur interminable. Tout au contraire, elle résonnait comme une berceuse et l'apaisait. La tête de son Guide émergea soudain de l'eau, à quelques mètres de lui.

— Tu te décides ou tu as l'intention de rester là à rêvasser ?

Il n'attendit pas sa réponse et replongea. Jim hésita. Il savait parfaitement ce qui se passerait dès qu'il entrerait dans ce lac. Mais il avait fait son choix. Il se dévêtit et dans le même élan, plongea dans l'eau la tête la première. Elle était délicieusement fraîche. Il osa même en boire quelques gorgées et fut surpris par son goût sucré.

— Blair ! appela-t-il, inquiet pour le jeune homme qui n'avait toujours pas refait surface.

— Par ici ! l'appela une voix étouffée. Cela venait de la chute elle-même. Sa vision se focalisa sur une forme juste derrière la cascade. Comment le gamin était-il arrivé là ? Ellison nagea vers lui et trouva alors le passage qu'il avait dû emprunter en contournant la chute par la gauche. Il y avait une grotte juste derrière ! Des bras se refermèrent sur lui comme il pénétrait dans cette cachette, le regard rieur de Blair étincela à quelques centimètres du sien. Comme il allait l'embrasser, Jim le retint :

— Non, attends… Il ne faut pas…

Il avait tout à coup l'impression d'être un gosse sur le point de faire une grosse bêtise, mais une curieuse excitation le faisait frémir. Son Guide secoua la tête :

— Tu continues de voir le monde avec leurs yeux. Mais leurs règles ne s'appliquent pas à nous. Nous obéissons à un ordre bien plus ancien.

— La Sentinelle et son Guide ne doivent faire qu'un, résonna soudain la voix d'Incacha. Jim ne cacha pas sa stupéfaction en voyant le visage de l'Indien apparaître sur l'un des murs de la grotte qui s'illuminèrent comme par magie, dévoilant d'étranges peintures : des formes humaines allaient par couple et étaient accompagnées chacune de leur esprit-animal. Il y en avait tellement…!

— Dans votre monde, reprit Incacha, on craint la différence. On s'en moque parce qu'on ne la comprend pas. La plupart d'entre vous s'enferment dans des prisons de solitude et raillent tous ceux qui tentent de trouver celui ou celle qui les libérera. Les vôtres ne savent plus voir, écouter, sentir, toucher et goûter. Leur univers est stérile. Leurs villes se ressemblent toutes, tous doivent se conformer à des règles qu'ils n'ont même pas forgées, mais qu'ils subissent. Ils étouffent les choses merveilleuses qu'ils pourraient connaître en acceptant l'autre. Une Sentinelle et son Guide peuvent être plus forts que ces illusions. Vous devez vous réconcilier avec ce que vous êtes et ne pas avoir honte de vivre et d'avoir des sentiments. Si ceux-ci sont sincères, pourquoi les craindriez-vous ?

Incacha disparut, les laissant tous les deux seuls, serrés l'un contre l'autre. Comme Jim essayait d'assimiler ces paroles, Blair commença à l'embrasser, à le caresser, à le submerger de sensations si fortes que ses pensées finirent par voler en éclat. Il attrapa soudain son Guide par les épaules et s'empara de ses lèvres.
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MessageSujet: Re: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitimeDim 12 Sep - 21:29

Je suis tout seul…

Si tu franchis cette porte, tu ne seras plus mon fils.

Il sentait le désir de Blair répondre au sien. Ses mains caressaient son dos, ses cuisses… Il avait l'impression de brûler et d'avoir froid en même temps. C'était comme si l'eau elle-même participait à leur étreinte…

Jim se réveilla en sursaut. Un camion qui passait dans la rue venait de klaxonner, l'arrachant à un véritable délice. Ellison prit son visage entre ses mains, tentant de calmer les battements fous de son cœur. Il se sentait épuisé, comme s'il avait passé la nuit à courir après des fantômes.

— Qu'est-ce qui m'arrive ? maugréa-t-il. Sa bouche était si sèche. Il réalisa peu à peu que la lumière du jour baignait le loft… et se leva d'un bond. Quelle heure était-il ? Il se précipita vers la chaîne hi-fi et éteignit la platine qui lisait encore The Celestine Prophecy. Il put ainsi voir l'heure : 7:00 ! Il n'arrivait pas à y croire. C'était comme si on lui avait volé six heures de sa vie. La sonnerie de son portable fit bondir son cœur dans sa poitrine. Il mit un moment à décrocher, tant ses mains tremblaient.

— Ellison…

— Jim, c'est Taggart. On a du nouveau à propos de l'affaire Sierra. On a pu identifier un des deux truands qui vous ont agressé grâce à ses empreintes dentaires. Il s'appelait Kassov et travaillait pour Archibald Jaeger.

— Le Vieil Archie ? réagit Ellison. Qu'est-ce qu'il est allé fricoter avec un looser comme Berto…, commenta-t-il. C'est bon, Joël, je serai à la station dans une demi-heure.

— En fait… Megan et moi déjà en route pour venir te récupérer au loft…On sera là dans une quinzaine de minutes… Jim, tu vas bien ? Ta voix est bizarre.

— Mais oui, je n'ai pas bien dormi, c'est tout. A tout de suite.

Il raccrocha avant que Taggart ait pu ajouter quelque chose. Quinze minutes, ça ne lui laissait pas beaucoup de temps pour se préparer.

Il était pourtant prêt quand la voiture de Megan s'arrêta au bas de son immeuble. Jim rejoignit ses collègues et devança une remarque de Connor qui n'allait pas manquer de lui faire remarquer sa mine horrible :

— Nuit blanche, expliqua-t-il. J'ai lu le journal de Bryan. Rien d'intéressant pour le moment.

Ces phrases succinctes firent comprendre à la jeune Australienne qu'il était inutile d'insister.

Ils se rendirent tous les trois chez Archibald Jaeger, alias le Vieil Archie. Il officiait dans l'arrière-salle du bar Le Comète et dirigeait depuis cette pièce enfumée un vaste empire bâti sur des trafics en tous genres. Malgré l'heure matinale, il y avait quelques clients dans la salle qui se firent tout petits en découvrant les plaques arborées par les trois policiers qui se présentèrent au barman.

— On veut voir le patron, lui lança Megan.

— Il n'est pas là, répondit-il d'un ton sec en la toisant du haut de ses deux mètres. Jim sut aussitôt qu'il mentait et avant que Taggart ou Connor aient pu faire un geste, il bondit par-dessus le bar et attrapa le grand gaillard pour plaquer rudement son visage contre le comptoir.

— Je suis de très mauvaise humeur, ce matin, lui gronda-t-il à l'oreille et je n'ai pas le temps de jouer. Alors, tu nous annonces et pas de blague.

L'autre hocha la tête et Ellison le libéra. Le barman massa sa joue endolorie et lui lança un regard mauvais. Il se dirigea toutefois vers une porte sur laquelle étaient peints les mots Private only et disparut quelques secondes. Jim se concentra sur son ouïe et put entendre ce qu'il disait au Vieil Archie :

— Trois flics vous demandent, monsieur.

— Tu sais pourtant que je n'aime pas être dérangé pendant que je fais les comptes. Renvoie-les.

— C'est ce que j'ai essayé de faire, mais 'y en a un qui m'a menacé. Ils savent que vous êtes là et ne partiront pas avant de vous avoir vu. Ils font fuir les clients.

— Fais-les patienter. Dis-leur que j'arrive…

Ellison se dirigea vers la porte, en faisant signe à ses collègues de le suivre. Il poussa violemment le battant, ce qui fit sursauter le barman et son patron. Le Vieil Archie était assis devant une table jonchée de liasses de billets.

— Je vois que les affaires marchent, Archie, fit Jim. Quelle genre de cochonnerie as-tu dealée dans les rue de Cascade, dis-moi ?

Le vieil homme cligna des yeux comme s'il n'avait rien compris. Il avait l'air d'une vieille chouette desséchée.

— Vous n'avez rien à faire ici. C'est une propriété privée ! Où est votre mandat…?

— Ne te fous pas de nous, Archie, le coupa Ellison qui intercepta son geste vers un tiroir de la table ; le détective l'ouvrit et en sortit un gros revolver. Tu as un permis pour ça ?

— Je suis parfaitement en règle.

— Blanc comme neige, pas vrai ? Aussi blanc que la cocaïne que tu refiles aux gamins dans les rues. Tu me dégoûtes.

— Jim, calmez-vous ! s'exclama soudain Megan en le voyant saisir le truand à la gorge ; Ellison lui lança un regard noir de colère. A votre place, M. Jaeger, je parlerai. Mon collègue est vraiment de mauvaise humeur.

— Je connais vos tours, geignit le vieillard. Le bon et le mauvais flics. Vous ne m'aurez pas avec ça !

— Et avec une condamnation pour tentative de meurtre sur un policier dans l'exercice de ses fonctions ? Au lieu de la belle retraite dorée que tu te prépares avec tes trafics, tu iras moisir en prison jusqu'à la fin de tes jours. Un de tes hommes s'en est pris à MON coéquipier.

— De… qui… parlez-vous…? bafouilla Jaeger.

— Kassov, répondit Taggart.

— Qu'est-ce que tu fabriques avec Sierra ? attaqua encore Ellison.

— Qui…?

— Umberto Sierra, répondit Connor. Il a enlevé son propre fils. Dites-nous où nous pourrons le trouver et j'essaierai de faire en sorte de calmer mon collègue ?

— N'y comptez pas, Megan, fit Jim. J'ai passé une très mauvaise semaine et je ne vois pas pourquoi je me montrerai clément avec cette crapule

— Parce que Berto essaie de me doubler, geignit le Vieil Archie. Jim relâcha légèrement son étreinte.

— Explique-toi !

— Kassov et deux autres travaillent maintenant pour lui. Sierra est venu me voir un jour pour me parler d'un truc complètement fou sur des… Sentinelles. Il m'a rappelé l'affaire qui… qui vous concernait ! s'exclama le vieil homme. Ellison le libéra et recula d'un pas. Berto prétendait que son fils était une Sentinelle et qu'avec lui, il y avait moyen de se faire du pognon. Je lui ai dit qu'il me fallait des preuves. Il a répondu qu'il allait récupérer son gamin et me montrer de quoi il était capable. Je lui ai alors offert les services de Kassov et de deux de mes meilleurs hommes. Ils l'ont aidé à enlever le gosse, mais je n'ai plus eu de nouvelles d'eux depuis.

— Tu ignores où ils se cachent ?

— Sierra s'est bien gardé de me fournir une adresse. Je ne l'ai pas revu depuis notre discussion sur ces foutaises de Sentinelle. Il a juste téléphoné ici deux fois, pour fixer le rendez-vous avec Kassov et pour me dire qu'il avait bien le gosse.

— Vous pouvez peut-être le joindre, de votre côté ? demanda Megan.

Comme il ne répondait pas, elle argua :

— Vous rendez-vous compte que vous êtes au moins complice d'enlèvement ? On peut aussi vous faire porter le chapeau pour la tentative de meurtre sur un de nos collègues si on ne retrouve pas Sierra. Kassov a été tué. Seul Berto pourrait vous disculper si on le retrouve.

Le vieil homme parut réfléchir. Puis il prit un crayon et griffonna quelques chiffres sur un bout de papier qu'il tendit à Connor en ignorant délibérément Ellison.

— C'est son numéro de portable.

Jim l'intercepta au passage et le mémorisa avant de le tendre à Megan.

— Pas question de quitter la ville, Archie, lança-t-il au truand avant de quitter la pièce à grands pas. Taggart et Connor se précipitèrent à sa suite. Une fois dehors, la jeune Australienne attrapa le détective par l'épaule :

— Qu'est-ce que c'est que ce numéro, Ellison ?

— On a les renseignements que nous voulions, non ? rétorqua-t-il d'un ton glacial. Avant qu'elle ait pu ouvrir la bouche pour protester, il l'avait planté là pour rejoindre son pick-up.

— Il est complètement cinglé ! s'exclama-t-elle.

— Jim ne supporte pas qu'on s'en prenne à ses amis, intervint Joël, et à plus forte raison à Blair.

— C'est un flic, bon sang, et le meilleur que je connaisse ! Il ne va pas se mettre à dérailler tout d'un coup !

Taggart haussa les épaules.

— Je ne voudrais pas être à la place de Sierra quand il le retrouvera, ajouta-t-il comme pour lui-même.

Surtout, songea Megan, que celui-ci détient une Sentinelle.

***

Simon avait convoqué Ellison dans son bureau. Le détective était en train de se faire passer un savon.

— Tu sais quoi ? J'ai bien envie de te retirer l'affaire, lui balança son capitaine. Tu es trop impliqué là-dedans.

— Cela ne m'a jamais empêché de faire du bon boulot. Je sais faire la part des choses.

— Pas quand Sandburg se retrouve à l'hôpital. J'ai déjà vu cette lueur dans tes yeux quand tu traquais ce psychopathe qui avait kidnappé le gamin. On dirait un animal sur le point d'égorger quelqu'un. Finalement, je me demande si je vais effectivement continuer à vous faire travailler ensemble, Sandburg et toi.

— Tu plaisantes ! s'exclama Ellison pâle comme un linge.

— Tu n'es plus tout à fait toi-même depuis qu'il a laissé tomber sa thèse pour devenir flic. Je trouve que tu te comportes même bizarrement avec lui.

— Je ne vois pas ce que tu veux dire, se défendit Jim qui avait glissé ses mains dans ses poches pour cacher de nouveaux tremblements.

— Vous vous êtes disputés dernièrement ? Tu te sens coupable, poursuivit Banks en faisant les questions et les réponses. Et tu commences à perdre le sens des réalités. Qu'essaies-tu de nous prouver ?

— Mais rien du tout !

— Tu n'en as pas besoin de toutes façons. Je suppose que ça ne doit pas être évident de gérer votre relation en tant que Guide et Sentinelle et en tant que coéquipiers, mais il va falloir me régler ça, ou je te mets sur la touche. C'est compris ?

— Reçu cinq sur cinq, maugréa Ellison. Je peux m'en aller maintenant ?

— Oui… Et Jim, évite-moi de jouer au grand patron avec toi, je déteste ça, fit le capitaine avec une grimace.

Le détective se dirigea vers la porte et l'ouvrit. Il resta alors comme pétrifié. Surpris, Simon lui demanda :

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Mais que fait-il là ? jura Jim qui bondit hors du bureau de son supérieur, lequel se leva pour aller voir ce qui arrivait. Il reconnut immédiatement William Ellison. Le père de Jim sourit à son fils qui se dirigeait vers lui pour serrer la main qu'il lui tendait.

— Papa ? Que… viens-tu faire ici ?

— Eh bien, tu n'as pas répondu à mon télégramme, alors, j'ai décidé de venir directement ici. Je suppose que tu l'as très mal pris…

— De quoi parles-tu ?

— Du télégramme. Je suis désolé, j'aurais mieux fait de te téléphoner, mais il fallait absolument que je te parle et je déteste les répondeurs. Tu aurais eu Internet, j'aurais pu te laisser un message…, continua de s'excuser William.

— Ça a l'air urgent, dis-moi. Mais permets-moi d'être surpris, après tout ce temps sans nouvelles. Rien depuis…

— Que tu m'as sauvé la vie, le devança son père. Je sais, je dois faire figure d'ingrat, mais… tu comprendras mieux mes raisons quand je t'aurai tout expliqué. Oh ! bonjour, capitaine, salua-t-il Banks qui venait de les rejoindre. Puis-je vous emprunter mon fils le temps du déjeuner ?

— Un petit tour lui fera le plus grand bien.

La réponse de Simon parut surprendre William Ellison.

— Quelque chose ne va pas ?

— Ne t'en fais pas, c'est le sens de l'humour des grands patrons qui refait surface, répondit Jim en attrapant sa veste. Allons-y, alors…

Sa voix mourut dans sa gorge quand il vit les portes de l'ascenseur s'ouvrir sur Blair, flanqué d'un policier en uniforme.

— Bon sang, Sandburg ! s'exclama Banks. Comment avez-vous pu quitter l'hôpital ?

— J'ai tout simplement signé une décharge. Je vais bien, il était inutile qu'ils me gardent plus longtemps. Et leur bouffe est vraiment atroce. C'est idiot, d'ailleurs, les malades guériraient plus vite s'ils avaient plus à cœur de remplir leur estomac, mais avec la nourriture qu'ils servent dans ce genre d'endroit, il y a plutôt de quoi faire une grève de la faim.

Sandburg parlait très vite, tout en lançant des regards à Jim et à son père.

— M. Ellison, je suis heureux de vous revoir.

— Moi aussi, M. Sandburg.

Son fils ne lui laissa pas le temps d'en dire davantage.

— On doit y aller.

Comme il passait près de son Guide, il lui murmura :

— Tu aurais dû rester là-bas.

— Ecoute, j'ai déjà bien assez à faire avec le flic qui me colle aux baskets depuis que je suis parti sans que tu joues en plus les nounous. Je me sens très bien, je te dis ! Et je… pensais que tu serais heureux de me revoir sur pieds aussi vite.

— Oui… bien sûr… Ecoute, là, je n'ai pas le temps de te parler. Tu vois, mon père et moi allons déjeuner et je…

Il se racla la gorge.

— Je peux peut-être vous accompagner, suggéra son coéquipier.

— Pas question ! réagit aussitôt Ellison. Tu… tu es plus en sécurité ici

— Mais Jim…!

— Ne discute pas, grand chef. A tout à l'heure.

Et avant que Blair ait pu dire quoi que ce soit, les portes de l'ascenseur s'étaient refermées sur Ellison père et fils.

***

— Je connais ce regard, murmura William Ellison comme ils venaient de s'installer à la table du restaurant.

— Quel regard ? réagit son fils.

— Le regard "défense d'entrer" comme disait ta mère.

— C'est la première fois que tu parles d'elle depuis… depuis… je ne sais même plus combien de temps…

— Tu veux savoir pourquoi elle est partie ? En fait, c'est pour ça que je voulais te parler. Je l'ai empêchée d'entrer, justement.

William s'interrompit comme le serveur venait prendre leur commande. Puis, une fois qu'il fut reparti, il se pencha vers son fils :

— J'ai été comme toi, avant…

— Comme moi ? De quoi veux-tu parler ?

— Voir ce qui ne peut être qu'aperçu, entendre ce qui est murmuré, toucher ce qui est indistinct, sentir ce qui reste ineffable, goûter ce qui est impalpable… Ce n'est pas de moi, mais de ta mère, un de ses poèmes qu'elle avait écrits pour moi.

— Un poème ?

— Oui, c'était quand… nous étions heureux. J'avais comme toi un… don, autrefois, Jim. Et ta mère m'a aidé à me comprendre.

Son fils le fixa comme s'il n'arrivait pas à y croire.

— Pour moi, ça s'est réveillé après un accident à Aspen. Mes camarades et moi fêtions notre entrée dans différents cabinets d'affaires, l'aboutissement de longues années d'études. Nous sommes partis en ski et nous avons été surpris par une tempête. J'ai été séparé des autres. Les secours ont mis trois jours pour me retrouver : j'avais pu trouver refuge dans une grotte.

Le serveur venait leur apporter leurs plats.

— A mon retour, poursuivit William, j'ai commencé à avoir des flashs. J'étais paniqué, ça perturbait mon travail. J'en était arrivé au point de vouloir me suicider ! C'est alors que j'ai rencontré ta mère. Elle était alors étudiante en psychologie. Au cours d'un de mes "crises", j'étais en voiture et j'ai failli la renverser.

— Tu parles d'un début, commenta Jim avec un drôle de sourire.

— Oui, un peu abrupte comme approche, je le reconnais.

Son fils se garda bien de lui faire part des circonstances de sa rencontre avec Blair, comment il avait failli lui casser la figure.

— Ta mère a tout de suite trouvé les mots pour me rassurer et me guider. Elle a essayé de me réconcilier avec moi-même. Pour elle, j'ai fait des efforts et petit à petit, les choses ont commencé à aller mieux. Je l'ai finalement demandée en mariage. Nous avons vécu des années merveilleuses. Elle était ma confidente, ma meilleure amie et mon amante. Je n'avais jamais été aussi proche de quelqu'un auparavant. Nous avons eu deux beaux garçons…

William marqua un temps pour boire quelques gorgées de vin.

— Et puis… mes patrons ont commencé à me donner de plus en plus de responsabilités, pour finir par faire de moi un de leurs associés. On m'a confié des affaires importantes, j'ai aidé à la création d'entreprises et de centaines d'emplois. Je me réalisais pleinement dans ce travail, jusqu'au jour où j'ai utilisé mon don pour rafler un contrat à un de nos concurrents. J'ai écouté une conversation entre le patron d'une firme que nous souhaitions racheter et ce rival. Peu à peu, j'ai eu de plus en plus recours à mes sens pour devancer mes adversaires. Et j'ai… tout déréglé. Je n'ai rien dit à ta mère de ce que je faisais, car je savais qu'elle me désapprouverait. C'est là que les cauchemars ont commencé.

— Quel genre de cauchemars ? réagit aussitôt son fils.

— J'étais dans un temple avec ta mère et elle me retirait mes sens un à un parce que j'en étais indigne. Je finissais sourd, aveugle, privé de tout contact avec le monde extérieur. Et puis… un de mes adversaires a porté plainte contre le cabinet et contre moi pour concurrence déloyale, jurant que je faisais mettre des micros chez lui. Une enquête a été ouverte, j'ai été mis sur la touche. Ta mère m'a supplié de lui parler, elle disait que tout pourrait s'arranger, alors, mais comment admettre devant elle que… que j'avais triché ? On a commencé à avoir des disputes de plus en plus violentes. Je faisais tout pour la tenir loin de moi, faisant exactement le contraire de ce que je voulais. Mais, tu sais, on ne peut cacher longtemps la vérité à ceux qu'on aime et elle a fini par comprendre quand j'ai fait une crise devant des journalistes. Si tu avais vu leurs regards quand j'ai commencé à… disjoncter. Ils me regardaient comme si j'étais fou, un… monstre.

Jim serra les poings en repensant à ce qu'il avait ressenti quand les journalistes avaient commencé à le traquer à cause de la thèse de Sandburg.

— Lorsque je suis rentré, ta mère était en larmes. Elle m'a dit que j'avais corrompu un don exceptionnel pour servir mon intérêt personnel et qu'en plus, je l'avais trompée. Elle a dit refuser de vivre une seconde de plus sous le même toit que moi et est montée préparer ses valises. Je l'ai suivie, la dispute a encore pris de l'ampleur et je l'ai… frappée…

Jim pâlit. Quand il songeait à ce qu'il avait éprouvé en bousculant Blair, il en était malade. Frapper son Guide ! Comment son père avait-il pu faire une chose pareille ?

— La suite, tu la connais plus ou moins, surtout la bataille du divorce, pour savoir qui garderait les enfants. J'avais des contacts avec d'excellents avocats. Ta mère ne disposait pas des mêmes moyens et elle n'a rien pu faire, d'autant qu'elle avait abandonné le domicile conjugal. Je lui ai tout pris, Jimmy, y compris ses propres enfants. L'enquête n'a rien pu prouver contre moi, j'ai été lavé de tous soupçons et j'ai fait un procès à mon accusateur pour diffamation. Je l'ai gagné. Mais au même moment, j'ai perdu mon don… Imagine ce que j'ai ressenti en découvrant que toi, tu l'avais ! J'ai voulu effacer ça de toi parce que je ne supportais pas l'idée que tu sois aussi…

— Une Sentinelle, le coupa son fils.

— Oui, qui, au contraire de moi, a su trouver le moyen de se réaliser en mettant son don au service de tous… Une Sentinelle et un fils dont je suis très fier.

— Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour me le dire ? lui demanda Jim d'un ton glacé. Il ne savait pas trop s'il avait envie de se lever pour planter là son père ou s'il voulait tout au contraire le prendre dans ses bras. Il avait l'air tellement perdu, si vulnérable. Et il détestait ça.

— Parce que je suis un lâche, en plus du reste. Parce que j'ai honte. A cause du dégoût et de la colère que je vois dans tes yeux. Je savais que tu me jugerais.

— Je… ne te juge pas, articula son fils avec difficulté.

— Bien sûr que si, et c'est ton droit.

Ils se considérèrent tous les deux un long moment.

— Je… Je ne peux pas rester, balbutia Jim qui avait soudain l'impression de manquer d'air.

— Je comprends… Juste une chose. Je ne t'ai pas dit ça pour que tu me prennes en pitié mais pour que tu ne reproduises surtout pas la même erreur que moi. Ne cache rien à ton Guide, Jimmy. C'est inutile et ça ne peut finir que par vous détruire tous les deux.

***

Blair avait passé la journée au central, à jouer les liaisons entre les différentes équipes qui, sur le terrain, cherchaient la moindre piste pouvant les conduire à Sierra et son fils. Megan, Taggart et Jim étaient allés vérifier une ancienne adresse de Berto, mais cela n'avait rien donné. Toutefois, en visitant une usine un peu plus tard, ils avaient découvert des traces prouvant que le truand avait dû séjourner là quelque temps et qu'il n'y était pas seul. Quant à savoir si Bryan était alors avec lui…, il fallait attendre les résultats du labo : des empreintes avaient été relevés, toutes les affaires, dont un sac de couchage, avaient été récupérées pour dater précisément leur dernière utilisation.

A la fin de la journée, Simon était venu dire au jeune homme qu'il allait le raccompagner au loft. Jim était parti à l'autre bout de la ville : un indic lui avait donné des infos sur Kassov qu'il voulait vérifier. Sandburg avait dû batailler avec le capitaine pour qu'aucun policier ne soit mis en faction à la porte de l'appartement, rappelant à Banks qu'il était flic, maintenant, et qu'il pouvait se défendre tout seul. Simon avait marmonné quelque chose à propos d'Ellison qui n'allait pas apprécier, mais il avait cédé. Blair s'en était senti soulagé. Il devait prouver à la brigade qu'il était un policier, maintenant, et non plus un observateur. Les traitements qu'il avait pu tolérer auparavant ne lui paraissaient plus admissibles. Il voulait faire les choses complètement ou pas du tout. Et surtout, il devait prouver qu'il méritait d'être le coéquipier de Jim après sa gaffe de la veille. Son partenaire aurait pu y rester, se reprochait-il encore, revoyant sans cesse Jim impuissant sur le bitume et la BMW qui se ruait sur lui. Il n'avait pas réfléchi, en voulant attraper le volant pour détourner la course de la voiture, pas même au fait que Kassov aurait pu lui mettre une balle dans la tête. Il n'avait pensé qu'à son coéquipier.

Blair accrocha sa veste au portemanteau et considéra un moment les objets autour de lui. Jim avait laissé de la vaisselle sale dans l'évier. La porte de la salle de bains était grande ouverte, alors qu'il se faisait un point d'honneur à toujours la fermer et Sandburg, en s'y rendant, nota le désordre qui y régnait, des vêtements qui traînaient, le rasoir de Jim encore sur le lavabo... Son coéquipier était parti en catastrophe, ce matin. Bizarre, Taggart lui avait dit qu'ils étaient venus le chercher, lui et Megan, à 7h30. Jim était prêt, d'habitude, à cette heure-ci…

Le jeune homme prit une bonne douche, se lavant de sa lassitude et de son séjour à l'hôpital. Lui et Jim allaient finir par y louer une chambre à l'année ! Il crut entendre un bruit en sortant de la salle de bains et pensa qu'il s'agissait d'Ellison… Fausse alerte. Connaissant sa Sentinelle, elle pouvait passer la nuit sur sa piste. Blair remarqua le journal de Bryan, dont Megan lui avait parlé, sur le canapé. Il pensa le lire, en se disant qu'il y trouverait peut-être quelque chose, mais il se dit qu'il fallait d'abord que Jim lui en donne l'autorisation, sans trop comprendre pourquoi il avait besoin de cet aval. De toutes façons, il sentait poindre une migraine et avait juste envie de fermer les yeux et de laisser aller ses pensées.

Elles tournaient évidemment toutes autour de son coéquipier. Il l'avait eu plusieurs fois à la radio, aujourd'hui, mais ils n'avaient échangé que des paroles liées à l'enquête, Jim précisant où il se rendait, Blair lui indiquant où en étaient les autres équipes. La frustration avait peu à peu gagné Sandburg. A plusieurs reprises dans la journée, il avait pensé : Je voudrais que tout redevienne comme avant. Mais avant quoi ? Avant qu'il ne rencontre Jim ? Ellison avait complètement bouleversé sa vie. Avant, il ne se souciait que de lui, ses décisions le concernaient avant tout, il allait dans la vie sans véritable attache, comme Naomi. Et puis à cause… grâce à Jim, il avait pu aider des dizaines de personnes. C'était tout de même plus gratifiant que d'aller racler la terre sur un site archéologique, bien qu'il aimât ça aussi. Mais justement, il y avait renoncé, par deux fois, d'abord en refusant cette proposition de son ancien professeur pour une campagne de recherche qui était pourtant une occasion comme il en avait rêvé toute sa vie, puis en renonçant à sa thèse. Est-ce cela qu'il regrettait ? Evidemment, il aurait pu devenir une célébrité dans le monde universitaire, mais les caméras, maintenant, il connaissait, et son nom avait déjà été cité dans la presse. La notoriété ne le branchait pas plus que cela, en vérité. La reconnaissance qu'il aurait pu gagner parmi les sommités universitaires, il l'avait trouvée au commissariat, auprès de gens qui le respectaient lui et pas ce qu'il avait pu écrire sur un bout de papier.

Avant quoi, alors ? Avant que Jim ne l'embrasse ?

Il avait adoré ce baiser. Il lui avait fallu plusieurs jours pour l'admettre, mais la vérité était là. Et quand Jim l'avait embrassé à l'hôpital, il y avait pleinement goûté, sans remords… bien au contraire ! Blair passa distraitement ses doigts sur ses lèvres. Il avait accumulé les expériences amoureuses, mais jamais il n'avait éprouvé cette impression d'être à la fois vulnérable et protégé. Et puis, il aimait le goût de Jim, la chaleur qui se dégageait de lui, sa force. Le jeune homme se laissa aller en arrière. C'était étrange, tout de même, ils avaient vécu ensemble pendant trois ans et jamais il n'aurait cru qu'une telle chose arriverait un jour. Enfin… il avait toujours recherché la présence de Jim. Il savait qu'il devait sembler le suivre partout comme un petit chien, mais son coéquipier avait fini par s'y faire et même par réclamer son assistance. Ce jour-là, Blair s'était senti récompensé de ses efforts.

Leur complicité n'avait cessé de grandir depuis leur rencontre. Ils sortaient ensemble, partaient en vacances ensemble, draguaient parfois les filles ensemble. Et aucune d'elles n'avaient d'ailleurs réussi à s'imposer longtemps dans leur vie. Cela s'était souvent terminé de façon tragique et Sandburg se demanda soudain comment les choses se seraient passées s'il en était allé autrement, par exemple si Leïla n'avait pas été une voleuse et n'était pas morte dans les bras de Jim. Est-ce qu'il serait là, aujourd'hui, en train de se poser des milliers de questions sur ce qu'il éprouvait pour James Ellison ? Il repensa aussi à Cassie Welles. Elle n'était pas morte. Elle avait même commencé à le draguer et il n'avait pas dit non, tout en se doutant qu'elle faisait ça pour rendre Jim jaloux. Juste des amis, c'étaient les mots que son coéquipier avait utilisés. Et il n'avait pas protesté, il avait laissé faire et Cassie était finalement partie. A la fin, il restait toujours Jim et Blair, compagnons inséparables, la Sentinelle et son Guide. C'était vraiment comme si rien n'arrivait à s'interposer dans cette relation.

Blair se laissa aller en arrière et contempla le plafond. Il avait beau tourner et retourner ça dans sa tête, il en arrivait toujours au même point : il voulait être avec Jim. Imaginer sa vie sans lui, c'était impossible. Quand Ellison l'avait viré de son appartement alors qu'il aidait Alex Barnes, Sandburg avait cru que son monde s'effondrait. Son cœur se mit à battre plus vite comme il repensait à la façon dont sa Sentinelle l'avait ramené à la vie…

Le bruit de la clef dans la serrure le fit se lever d'un bond. Il se rua vers la porte et l'ouvrit brusquement. Jim le regarda d'un air stupéfait.

— Euh… bonsoir, grommela-t-il.

— Bon… soir, ne put que répondre Blair qui libéra le passage pour que son partenaire puisse entrer. Celui-ci hésita, puis avança en prenant bien soin de se tenir à l'écart du jeune homme. Cette attitude n'échappa pas à ce dernier. Ellison n'avait pourtant jamais refusé son contact, jusqu'à présent. Il aimait bien le chahuter de temps en temps, par exemple en lui ébouriffant ses cheveux ou en le prenant par les épaules pour le bousculer gentiment. Il y avait aussi les petites claques dans le dos ou les tapes sur la joue, leurs épaules qui se frôlaient quand ils étaient assis côte à côte dans le bureau de Banks ou à un match de basket, leurs rires, les regards qu'ils échangeaient… C'était leur langage. Pas besoin de mots pour que Jim comprenne où focaliser son attention. Sandburg n'avait qu'à poser sa main sur son épaule de telle ou telle façon pour que sa Sentinelle comprenne. Cela avait marché comme ça dès le début.

— Ta piste a donné quelque chose ? parvint-il finalement à rompre le silence, en réalisant que, perdu dans ses pensées, il n'avait pas vu Jim enlever sa veste et aller jusqu'au frigo.

— J'ai juste une adresse qu'une ancienne petite amie de Kassov a bien voulu me donner. Mais ça m'étonnerait que Sierra soit allé trouver refuge dans une boîte de nuit avec un gosse.

— Et… comment ça s'est passé avec ton père ?

Jim se laissa tomber dans le canapé en poussant un soupir las.

— Mal.

Blair ne s'était pas attendu à une réponse aussi directe. Jim le fixa droit dans les yeux :

— Irais-tu imaginer qu'il ait été une Sentinelle, autrefois ?

Le jeune homme s'approcha et décida de s'asseoir sur la table du salon qu'il rapprocha du canapé pour pouvoir parler à son coéquipier face à face. Celui-ci attendait sa réponse :

— Je l'ai envisagé, répondit-il d'une voix sourde.

— Quoi ? rugit presque Ellison.

— Eh bien, tu sais, je suis tout le temps en train d'échafauder des théories et après que tu m'as expliqué les circonstances dans lesquelles tu as mis ton don en sommeil, j'ai cherché une explication et je n'arrêtais pas de revenir à ta relation avec ton père. Du fait de ses réactions dans cette histoire, il m'a paru logique qu'il puisse être une Sentinelle. En plus, tes capacités sont un héritage génétique. Quelqu'un te les a donc forcément transmises et tu les transmettras à ton tour à tes enfants.

— Je préfère arrêter là le massacre, rétorqua Jim d'un ton acerbe.

— Pourquoi dis-tu ça ? réagit aussitôt Sandburg.

— Faisons le bilan. Alex Barnes : une terroriste. Bryan : un malfrat en puissance.

— Je trouve que tu y vas un peu fort.

— Son don lui vient sans doute de son père, pour lui aussi.

— Ou de sa mère, répliqua Blair, ce qui n'eut pas l'air de convaincre Ellison.

— Et enfin mon père, qui s'est servi de ses sens pour rafler des marchés à ses concurrents. C'est brillant, comme tableau. Et je viens un peu y faire tache. Je dois être la brebis galeuse du troupeau.

— Ne raconte pas n'importe quoi. C'est juste un hasard si jusqu'à présent, les Sentinelles que tu as rencontrées te paraissent – et j'insiste bien sur le mot – malfaisantes. Pense à Incacha, argua le jeune homme.

— Peut-être est-ce notre civilisation qui fait des Sentinelles des super bandits ?

— Là, tu n'as peut-être pas tort, fit Blair. Nous vivons dans un monde particulièrement violent, où les tentations de basculer dans le crime sont assurément beaucoup plus grandes. D'où l'importance de tes propres actions. Tu peux aider à changer tout ça. Même Alex Barnes commençait à y être sensible.

— Tu n'en sais rien.

— Bien sûr que si. Quand je lui ai appris à se servir de ses sens, j'ai puisé dans ce que toi et moi avions vécu.

Il vit sa Sentinelle tiquer, mais décida de poursuivre malgré tout.

— Je lui ai appris tes valeurs. Je lui ai montré comment toi tu avais appris à réagir à travers notre collaboration. Je ne me suis pas juste dit : Chouette, une nouvelle Sentinelle avec laquelle faire joujou…

— Je n'ai jamais…, commença à protester Ellison. Il s'interrompit, conscient de sa mauvaise foi.

— C'est nous que je lui ai inculqué et avant tout toi. Tu étais ma seule référence. D'une façon ou d'une autre, tu as agi sur Alex. Elle… Quand elle a décidé de me tuer, elle ne l'a pas fait comme elle a pu agir avec ses autres victimes, crois-moi !

— Elle s'en est prise à un Guide ! A mon Guide ! fit Jim. Comme mon père ! Ma mère était son Guide et il l'a frappée !

Blair réprima de justesse un sursaut. Il n'avait pas toutes les clefs en main, se dit-il. Il devait faire en sorte de comprendre avant de juger.

— Tu as bien failli me frapper, toi aussi, souviens-toi.

— C'était avant…

— Avant quoi ?

— Avant que tu ne commences à compter pour moi. Avant que tu ne deviennes mon shaman.

Une expression gênée se peignit sur les traits de Jim.

— Ma mère a essayé de remettre mon père sur le droit chemin et il l'a repoussée. Il lui a tout pris. Il s'en est pris à elle physiquement. Rien ne peut excuser cela.

Blair choisit de changer d'approche.

— Je suppose que cela n'a pas dû être facile pour ton père de t'avouer une telle chose. Il lui a fallu un sacré courage.

— Et ça rachèterait son geste ?

— Cela prouve au moins qu'il vaut mieux que ce que tu crois, que les gens peuvent changer, apprendre, se faire pardonner. Il a déjà fait le premier pas. Je ne dis pas que ce sera facile, mais c'est vers toi qu'il s'est tourné. Tu es autant son fils qu'une Sentinelle. Tu imagines ce qu'il a pu ressentir en se livrant ainsi à toi ? Je comprends ta réaction. Tu te sens blessé en tant que fils, en tant que Sentinelle et en tant que flic. Tu as toutes les raisons de lui en vouloir, admit le jeune homme en posant sa main sur le genou de Jim.

— Il m'a fait croire que j'étais un monstre, au lieu de m'aider à me comprendre, murmura Ellison d'une voix sourde.

— Tu n'es pas un monstre, Jim, articula Blair en insistant sur chaque mot.

— Qu'en sais-tu ? lui demanda son coéquipier d'une drôle de voix. Tu devrais avoir peur de moi, Sandburg.

— Et pourquoi donc ? s'étonna ce dernier.

— A cause de ce qui est en train de se passer dans ma tête.

Nous y voilà, songea le jeune homme qui se savait désormais sur un terrain délicat. Il se doutait que la colère de sa Sentinelle n'était pas simplement tournée contre son père, mais aussi contre elle. Ce qui effrayait Jim, c'était de mal agir. La devise de la police Protéger et servir lui convenait plus qu'à n'importe qui. On ne naissait pas criminel, on le devenait. On naissait Sentinelle, mais on choisissait ensuite quelle voie prendre et le don ne pouvait surpasser ce que le cœur voulait.

— Te voilà bien silencieux, tout à coup, ricana Ellison. Et qu'est-ce qui se passe dans ta tête à toi ?

— Je me demande quand tu te décideras enfin à m'ouvrir la porte derrière laquelle tu te caches. Parce que, autant te dire que c'est un écran de fumée. Il empêche certainement les autres d'approcher, moi y compris, mais contrairement aux autres, moi, je sais lire en toi. Tu m'as déjà reproché d'être tout le temps en train de t'observer. Tu n'as pas tort.

Son partenaire pâlit.

— Mais ce n'est pas en tant que cobaye que je t'observe, mais en tant qu'ami. J'ai appris à connaître tes humeurs, à prévoir tes réactions, à…

— Lire dans mes pensées ?

— Dans ton cœur, plutôt. Dis-moi, Jim, depuis tout à l'heure, ma main est posée sur ton genou. Cela te semble parfaitement naturel, non ?

Le regard d'Ellison se posa sur les doigts de son Guide reposant sur le tissu de son pantalon. Il paraissait perplexe.

— Eh bien ? demanda son Guide.

— Je… Cela t'est déjà arrivé de faire ça, rétorqua la Sentinelle.

— Et si… je déplaçais légèrement ma main…

Blair joignit le geste à la parole. Jim se crispa comme les doigts de son Guide glissait à l'intérieur de sa cuisse. Au début, il se força à ne pas bouger, puis il tressaillit et attrapa brusquement Sandburg par le poignet.

— Arrête !

— Quel effet ça te fait ? l'interrogea encore le jeune homme, sans se démonter.

— Ça brûle !

Les mots étaient sortis spontanément.

— Tu as envie de moi, Jim ?

Ce dernier détourna la tête et fit mine de se lever. Mais d'un geste impérieux, Blair l'obligea à se rasseoir. Ellison en parut très surpris. Comme il continuait d'éviter son regard, son Guide l'attrapa par le menton et l'obligea à le regarder en face.

— Réponds, Enquiri, ordonna-t-il. Sa Sentinelle le fixait maintenant, comme fasciné. Me désires-tu ?

— Oui, répondit-il dans un souffle. Sandburg dut faire un violent effort sur lui-même pour demeurer impassible. Il devait continuer d'agir en shaman et ignorer les battements fous de son cœur.

— Dis-moi ce que tu ressens ?

— J'ai envie de te prendre… de te prendre dans mes bras…

Un léger sourire flotta sur les lèvres de Blair. Il avait senti le moment où le flic avait repris le dessus sur la Sentinelle. Son partenaire essayait encore de lui résister.

— Et…?

Jim lutta entre l'envie de lui répondre et le silence…, avant de céder :

— J'ai envie de… de perdre mes mains dans tes cheveux…

— Fais-le.

Comme Ellison ne bougeait pas, Sandburg prit sa main et la porta jusqu'à ses boucles auburn. Refusant d'abord de réagir – le jeune homme craignit un instant qu'il ne zone –, Jim referma finalement ses doigts sur les cheveux de son Guide. Puis il commença à les caresser et avant de s'en rendre compte, ses deux mains s'étaient perdues dans la chevelure de Blair. Celui-ci ferma les yeux. Rien à voir avec les gestes de son partenaire quand il lui ébouriffait les cheveux. C'était incroyablement sensuel et différent de ce qu'il avait déjà éprouvé quand des femmes avaient plongé leurs mains dans ses boucles. Les gestes de Jim étaient différents, hésitants et en même temps connaisseurs : il semblait savoir exactement quelles sensations rechercher et provoquer.

— Blair…

La voix étranglée de son partenaire força Sandburg à ouvrir les yeux. Il sourit devant l'air médusé de sa Sentinelle.

— J'aime ça, lui confia le jeune homme qui vint se blottir contre lui. Ellison hésita avant de refermer ses bras sur lui, tout en plongeant son visage dans ses cheveux. Le souffle de Jim effleura son cou, puis ses lèvres glissèrent sur sa peau. Leur contact devint brûlant et Blair réprima difficilement un gémissement quand la langue de Jim le goûta. Il craignait d'effrayer sa Sentinelle tandis qu'elle abordait un nouveau territoire, aussi se força-t-il à rester immobile. Mais c'était de plus en plus difficile. Il glissa finalement ses mains sous le sweat de son partenaire et fut amusé par les réactions de celui-ci. D'abord, Jim se crispa, puis il frémit et enfin ne put retenir le mouvement qui le portait à la rencontre de son Guide. Celui-ci traça le contour de chacun de ses muscles, comme s'il étudiait la carte d'un nouveau monde. Il commença par monter vers la poitrine de sa Sentinelle, s'attardant sur ses mamelons. Jim laissa échapper un son inintelligible. C'était indescriptible de le sentir répondre au moindre de ses attouchements. Mais comme les mains de Blair redescendaient lentement vers son ventre, puis plus loin, Ellison l'arrêta d'un cri rauque.

— Non… Il ne faut pas… Ce… n'est pas bien…

— Qui t'a dit ça ?

— Ce n'est pas bien, c'est tout, insista Jim.

— Cette réponse ne me suffit pas, man. Mais je sais très bien quels sont les mots qui te font peur.

Sandburg vit son coéquipier blêmir.

— Ce sont leurs mots, pas les nôtres. C'est à cause d'eux que tu crois être un monstre ? Tu n'arrêtes pas d'imaginer ce que les autres penseraient de toi. Mais toi, qu'en dis-tu ? Est-ce que je suis un monstre, quand je fais ça ?

Blair frôla les lèvres de sa Sentinelle d'un baiser.

— Non, répondit Jim d'une voix étranglée.

— Et quand je fais ça…?

Cette fois-ci, il glissa sa langue à la rencontre de celle de son coéquipier. La réaction de ce dernier fut immédiate : il lui rendit son baiser et ils ne se séparèrent qu'à bout de souffle.

— Blair… Ce n'est pas possible…, fit Ellison, haletant.

— Pourquoi ? Nous ne faisons absolument rien de mal…, rétorqua le jeune homme comme ses mains revenaient caresser le ventre musclé de son partenaire. Nous sommes deux adultes… – il sourit comme ses doigts descendaient plus bas, arrachant un gémissement à sa Sentinelle – parfaitement consentants.

Jim prit le visage de son Guide entre ses mains et s'empara de ses lèvres avec avidité. A nouveau, le goût si délicieux de Blair se répandit dans sa bouche. Jim laissa ses doigts glisser de la courbe affolante de son cou aux boucles satinées de sa chevelure. C'était comme dans le rêve…! Non ! C'était mieux que le rêve ! Sandburg gémit, se pressa davantage contre lui, nouant ses bras autour du cou de son partenaire. Ses lèvres voletèrent alors le long de la mâchoire de sa Sentinelle, puis effleurèrent une veine palpitante, pour s'égarer un instant sur la gorge de Jim dont les yeux se voilèrent de plaisir. Après avoir retroussé le sweat d'Ellison, Blair reprit sa lente et délicieuse torture en faisant couler des baisers brûlants sur la poitrine de sa Sentinelle. Jim grogna, essaya d'échapper à ce supplice, mais dès qu'il tenta de s'écarter, ses sens s'affolèrent. C'était comme s'ils poussaient un hurlement de révolte dans sa tête. Ils réclamaient le Shaman. Ils voulaient encore le savourer.

— Je n'en peux plus, le supplia Ellison. Tu me rends fou…

Ses mains, comme investies d'une volonté propre, commencèrent à déboutonner la chemise de Sandburg. Il manqua d'arracher le dernier bouton et écarta les pans de la chemise pour plonger sa bouche avide vers la poitrine de son Guide. Celui-ci se déroba, le taquina en faisant semblant de le repousser, avant de céder à son assaut. Leurs lèvres s'engagèrent alors dans un étrange duel dont la seule victoire était de se donner à l'autre. Pour Jim, c'était comme de se rassasier après avoir souffert d'une faim qui se nommait solitude. Ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était explorer le corps de son Guide : ici, Blair aimait le contact de ses doigts sur ses épaules ; là, un baiser niché au creux de sa gorge lui valut un soupir ; plus loin, la Sentinelle surprit un frémissement en prolongeant la course de ses doigts dans la tiédeur de l'aine. La folle cavalcade de leurs cœurs battant à l'unisson formait une délicieuse symphonie qui le subjuguait et le faisait toujours revenir à la même source de sensations : un malstrom indescriptible le saisissait comme il plongeait son âme dans l'océan avide que lui offraient les yeux de Blair. Les voir se troubler de plaisir quand leurs lèvres se retrouvaient faisait couler dans son sang une mer en feu. Ils ne surent ni l'un ni l'autre comment ils finirent par se retrouver nus dans la chambre de Blair. Ce dernier, après s'être allongé sur le lit, attira vers lui sa Sentinelle.

— Tu es sûr ? lui demanda Ellison d'une voix rauque de désir où pointait toutefois une soudaine inquiétude. La main de son Guide caressa sa joue, sa gorge tremblante et sa poitrine qui se soulevait à un rythme précipité, avant de gagner… Jim émit une sorte de grognement qui devint une prière.

— C'est ce que nous voulons tous les deux, Enquiri, lui susurra Blair en s'offrant à lui.

~~~~~~~~ Chapitre VI ~~~~~~~~


Se réveiller dans les bras de Blair… Jim eut du mal à y croire, tandis qu'il se laissait fasciner par les arabesques d'ombre et de lumière sur la peau de son amant. Il mourait d'envie d'en tracer les contours, mais ne voulait surtout pas réveiller le jeune homme. Il voulait savourer cet instant, ne pas laisser les doutes l'atteindre. Juste… goûter le moment présent, l'aube d'une nouvelle vie.

Plus rien ne sera pareil.

Blair s'agita dans son sommeil, se blottit contre sa Sentinelle et sa main qui reposait sur sa poitrine vint trouver refuge sur le cœur d'Ellison. Les cheveux de Sandburg le chatouillaient ! Il adorait ça. Chaque sensation était pour lui comme une nouveauté : le frôlement des draps sur sa peau nue, la chaleur du bel endormi contre son flanc. Et son parfum… Jim ferma les yeux pour mieux en raffoler. Puis il laissa son regard errer dans la chambre qui portait la marque de Blair, ce désordre inconcevable qui régnait dans sa chambre. Son Guide marquait son territoire en accumulant ses trésors à la vue de tous.

C'est tout à fait lui, songea Ellison, sa franchise. C'était la première fois que Jim restait aussi longtemps dans cette pièce. Il ne s'y attardait jamais et remarqua seulement une photo de Blair et lui prise au cours d'une partie de pêche. Ils avaient l'air tellement complice.

— Sandburg, qu'est-ce que tu fabriques ? grommela Jim en sentant soudain des doigts inquisiteurs effleurer sa peau. Blair ouvrit ses yeux où brillait une lueur amusée.

— J'explore mon nouveau royaume.

Jim s'agita.

— Si tu continues de m'explorer comme ça, je vais t'engloutir corps et bien.

— Cela ne me déplairait pas…

— Arrête ! s'exclama Ellison avant d'éclater de rire. Il gesticula pour capturer les mains volages de Blair et les retint prisonnières sur son torse.

— Grand chef, ce n'est pas le moment ! le rabroua-t-il gentiment. On doit aller bosser !

Sandburg eut une moue dépitée.

— Le flic est déjà de retour, à ce que je vois, dit-il d'une voix boudeuse, mais ses yeux pétillaient de joie. Jim avait redouté un instant d'y voir des remords. Mais son Guide réagissait comme si tout cela était parfaitement naturel pour lui.

— Dire qu'il va falloir que j'attende jusqu'à ce soir pour retrouver ma Sentinelle, soupira le jeune homme.

— Et moi mon Guide, ajouta Ellison d'une voix un peu étranglée. Sandburg lui jeta un coup d'œil amusé, avant de se lever. Jim le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il passe à la salle de bains. Puis il se laissa aller à contempler quelques instants le plafond. C'était complètement dingue ! Il se sentait léger, euphorique, comme s'il avait cherché son chemin toute sa vie et venait seulement de comprendre par où il devait passer. Il aurait dû éprouver de la honte. Le monde aurait dû s'arrêter de tourner, mais comme tous les matins, Blair allait mettre un temps fou dans la salle de bains pour se préparer, ils allaient déjeuner ensemble avant de partir travailler. Toutefois, à la différence de tous ces matins, ils porteraient en eux le souvenir de leurs caresses et de leurs baisers. Et à la différence de trop nombreux matins, Jim ne se sentirait plus seul.

Ces pensées l'habitaient encore alors que, accoudé à la table, il finissait de déguster son café en observant Blair qui lui avait demandé s'il pouvait lire le journal de Bryan. Ellison avait apprécié sa requête. Ses petites lunettes juchées sur son nez, le gamin était absorbé par la lecture, mais finit par remarquer la façon dont son coéquipier le dévorait des yeux.

— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda-t-il d'un air étonné.

— Je te regarde, c'est tout, répondit Jim avec un sourire. Tu as trouvé quelque chose ?

— Peut-être… Je n'en suis pas sûr…, hésita Sandburg.

— Dis toujours. Tes théories peuvent être brillantes… parfois, le taquina son coéquipier.

— Nous cherchons Sierra et son fils dans des endroits que Berto a pu fréquenter, mais… Et si il se cachait justement… ailleurs ?

— Que veux-tu dire ?

Blair lui tendit le journal ouvert à une page qu'il lut avec attention.

— Il a peut-être plutôt choisi un endroit que Bryan aimait. Il en parle à plusieurs reprises.

— Le chalet de son grand-père maternel ? fit Ellison. Le gamin hocha la tête.

— Moui… Mais ça, c'est dans l'hypothèse où Sierra serait toujours dans les parages. Après tout, il a pu tout aussi bien déguerpir dans un autre Etat.

— Non, rétorqua Sandburg. Il faut que Bryan fasse la démonstration de son don et Berto choisira en priorité une cible qu'il connaît, qu'il convoite et pour laquelle il pourra se garantir. Et puisque le Vieil Archie semble avoir pris Sierra pour un idiot, je me demande si…

— Berto ne va pas s'en prendre à lui ?

— Tu lis dans mes pensées, sourit Sandburg. Ça tient la route, tu ne crois pas ?

— C'est une excellente intuition, en effet. Reste à savoir si elle se vérifiera.

— On a rien de mieux pour l'instant, lui fit remarquer le gamin. On devrait en parler à Simon et faire deux équipes. La première se rendrait à ce chalet et l'autre surveillerait le Vieil Archie.

— Vous voulez prendre la direction de mon service, tant que vous y êtes, Sandburg ? réagit Banks après que le jeune homme lui eut présenté son plan.

— Absolument pas, capitaine, se défendit le gamin.

— Je plaisantais… Même si ça pourrait arriver un jour, ajouta Simon d'un drôle d'air. Blair le fixa sans comprendre. Jim se pencha vers lui :

— Il continue à te charrier, grand chef, lui confia-t-il.

— Ah… Euh… Pardon…, bafouilla Sandburg.

— Je suppose que vous avez pensé aux personnes qui s'occuperaient des deux phases de l'opération.

— Oui, Simon. Jim et moi devrions nous rendre au chalet. Et Megan et Joël pourraient suivre le Vieil Archie.

— Et pourquoi pas l'inverse ?

— A cause de Bryan. Même si nous avons raison pour le Vieil Archie, il ne faudra rien tenter pour empêcher Sierra d'arriver à ses fins… sauf si ça allait trop loin. Et l'équipe devra le suivre au cas où le chalet ne serait pas la bonne planque. Dans ce cas, une fois que celle-ci sera localisée, il faudra nous contacter, Jim et moi, avant d'intervenir. C'est important. Il faut que Jim et moi nous occupions de Bryan. Nous ignorons dans quel état… psychologique il sera. Puisque c'est une Sentinelle…

— Depuis quand est-ce une certitude ? l'interrompit Banks.

— J'ai lu son journal et tout concorde. Il y parle de ses sens et de la façon dont il essaie de les contrôler ou de les étouffer…

— Poursuivez.

— Byan sera plus en confiance avec nous. Imaginez tout de même qu'il va devoir faire un choix : son père ou nous. A votre avis, lequel fera-t-il en premier ?

— Oui, évidemment… Vous pensez donc que s'il trouve une Sentinelle en face de lui, cela nous donnera plus de chance de… le récupérer sans anicroche.

— C'est une théorie.

Le capitaine leva les yeux au ciel.

— Blair a raison, Simon, le fit réagit Ellison. Banks le fixa quelques secondes avant de demander :

— Pourquoi en es-tu si certain ?

— Parce que c'est mon Guide et qu'il a un don pour… comprendre ce genre de choses. Je suis d'avis qu'on le laisse faire.

— Tu le laisserais diriger l'opération ? s'exclama Banks au comble de l'étonnement.

— Tout à fait, dit Jim en croisant ses bras sur sa poitrine. Enfin… officieusement, bien sûr. Un stagiaire qui prend les commandes, ça ne fera peut-être pas très sérieux dans nos rapports

— Oui, bien sûr, grimaça le capitaine, on va encore jouer sur les subtilités du langage et cacher notre jeu… Je vous jure, tous les deux, vous me ferez vieillir avant l'heure. Si tout ça capote, je vous signale que c'est moi qui vais tout prendre sur le dos.

— Ça ne capotera pas, assura Ellison.

— Hein ? ne put que s'écrier Simon.

— Fais-nous confiance. Tu te souviens de notre dernière conversation ? Eh bien, le problème est résolu, et maintenant, on va de nouveau fonctionner comme une équipe… mieux qu'avant, même, j'en suis certain.

— Si tu le dis. Et alors ? Allez-y ! Vous ne comptez tout de même pas traînasser dans mon bureau alors que vous avez tant de pain sur la planche.

Les deux coéquipiers sortirent du bureau de leur capitaine.

— Je suis tout de même étonné, confia Sandburg. Je ne m'attendais pas à ce que tu me soutiennes à ce point.

— Pourquoi, grand chef ? Ah… Attends… Tu crains que je ne manque d'objectivité ? demanda Ellison ; Blair prit un air gêné. Je crois que c'est quelque chose qu'on doit clarifier tout de suite, tous les deux. Je n'hésiterai jamais à te faire part de ma désapprobation si cela est nécessaire. Ton plan est excellent, point final.
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Scilia
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Les quatre vérités - Yphirendi Empty
MessageSujet: Re: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitimeDim 12 Sep - 21:31

— C'est surtout le seul que nous ayons, maugréa Sandburg.

— Exactement. Mais j'ajouterai que tes intuitions me paraissent bonnes et que donc, c'est un bon plan. Le seul que nous ayons, certes, mais le bon. Tiens, tu veux un autre avis… Allons demander celui de Connor et Joël, si le mien ne te suffit pas.

— Ne te fâche pas, protesta le jeune homme.

— Je ne suis pas fâché.

Blair considéra son partenaire un long moment.

— Merci. C'est… C'est important pour moi que tu m'approuves en tant que flic.

— C'est le cas, Columbo.

Leurs regards se croisèrent et ils éclatèrent de rire. Jim posa sa main sur l'épaule de son Guide, comme ils se dirigeaient vers l'ascenseur. Blair tressaillit en sentant le pouce de sa Sentinelle caresser subrepticement une veine de son cou. Nouvel échange de regards, en attendant que les portes de l'ascenseur s'ouvrent. En pénétrant dans la cabine, Sandburg fit en sorte d'effleurer son coéquipier au passage. Puis, comme il se retournait pour presser le bouton du sous-sol, sa main rencontra celle d'Ellison qui suivait la même trajectoire. Une fois les portes refermées, Jim saisit la main de son Guide au vol et la serra dans la sienne. C'était plus fort que lui, il fallait qu'il touche Blair. Celui-ci se rapprocha de sa Sentinelle l'air de rien, tout en gardant un œil sur les chiffres des étages qui défilaient. Il se mordit distraitement les lèvres, hésita, conscient du risque qu'il courait, mais il en avait tellement envie qu'il se sentait incapable de résister. Il fut sauvé par le carillon qui signala l'arrêt à un étage et l'ouverture des portes. Jim lâcha vivement la main de son coéquipier et s'éloigna de lui d'un pas. Plusieurs policiers les rejoignirent dans la cabine. Sandburg sourit. Cette fois-ci, il avait un bon prétexte. Il se rapprocha encore d'Ellison, leurs épaules se touchèrent, Jim glissa ses doigts entre les reins de son partenaire, puis remonta lentement le long de sa colonne vertébrale. Tels qu'ils étaient placés, personne ne pouvait remarquer leur manège. L'ascenseur s'arrêta au rez-de-chaussée, les autres policiers sortirent, Jim et Blair se retrouvèrent de nouveau seuls.

— Ce n'est pas prudent, souffla Ellison à l'oreille de son Guide qui frémit. J'ai l'impression d'être redevenu un collégien, laissa-t-il échapper un rire en posant sa tête brièvement sur l'épaule de son coéquipier. Puis il se redressa et repoussa doucement, mais fermement le jeune homme qui lui fit face et plongea ses yeux dans les siens. Comme il semblait sur le point de dire quelque chose, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent : ils étaient arrivés au sous-sol. La déception assombrit quelques secondes le visage de Blair, puis il se ressaisit et emboîta le pas à son partenaire qui se dirigeait vers la camionnette.

Megan et Joël les rejoignirent à ce moment-là. Ils étaient passés au labo et ramenaient les résultats des preuves récupérées dans l'usine. Sandburg leur parla alors du chalet qui revenait souvent dans le journal de Bryan et leur exposa son plan.

— Eh ! Sandy ! s'exclama Connor, chapeau. Rien à redire à ça, et vous, Jimbo ?

— Pour moi, c'est adjugé. Tu vois, je te l'avais dit, ajouta Ellison à l'adresse de son partenaire, puis il alla chercher une carte dans le vide-poche de son véhicule. Il l'étala ensuite sur le capot. Taggart, Megan et Blair s'étaient rapprochés.

— Owls' Creek, c'est le nom que donne Bryan dans son journal, précisa Jim. Ce n'est pas loin d'ici, en fait, au nord de la ville. Le temps d'y aller avec Sandburg, ça vous laissera de quoi vous mettre en place pour la surveillance du Vieil Archie.

— En espérant que Sierra ne tardera pas à agir, fit Megan.

— A mon avis, intervint Joël, c'est maintenant ou jamais pour lui. La mort de Kassov rend sa position inconfortable, et on a même de la chance qu'il n'ait pas mis déjà son plan à exécution…

— Alors, trêve de bavardage, reprit la jeune Australienne. En route, messieurs.

***

— Arrête de jouer au ressort, grand chef ! fit Ellison d'un ton exaspéré.

— Désolé, Jim, c'est plus fort que moi.

— Qu'est-ce qui t'arrive ?

— J'ai peur de m'être trompé.

Jim soupira. Cela faisait une heure qu'ils surveillaient le chalet – Jim y avait décelé la présence de plusieurs personnes, sans pouvoir déterminer de qui il s'agissait. Ils avaient caché la camionnette derrière une cabane de garde forestier abandonnée, pour s'enfoncer dans la forêt. Ils avaient progressé le plus silencieusement possible dans les sous-bois. Il fallait redouter que Bryan donne l'alerte. Impossible de savoir comment il prendrait leur intervention. Blair et Jim s'étaient installés derrière un tronc d'arbre couché, mais depuis qu'ils tenaient cette position, le gamin n'arrêtait pas de remuer et de soupirer. Jamais Ellison n'avait vu son partenaire aussi agité au cours d'une planque. Il connaissait pourtant les règles à suivre. Mais il pouvait aussi lire l'inquiétude sur ses traits. Sandburg doutait de ses capacités de flic. Jim comprenait ce qu'il pouvait traverser pour l'avoir connu à ses débuts dans l'armée. On se demandait toujours si on était à la bonne place, si on saurait faire face, le moment venu, pour mener la mission à bien, et surtout pour couvrir ses camarades. Il était tout à fait normal que Sandburg soit inquiet, après le fiasco du pavillon, mais cela risquait de leur porter préjudice. Ellison posa sa main sur l'épaule de son partenaire :

— Dans ce métier, on prend sans arrêt des risques, chuchota-t-il le plus bas possible.. Mais on doit faire des choix, en espérant que ce seront les bons.

— Je ne suis pas seul en cause, rétorqua Blair. Il y a Bryan et je…

Jim lui fit signe de se taire. Il avait cru entendre un bruit et se concentra sur son ouïe. On bougeait à l'intérieur du chalet mais il percevait aussi le bruit lointain d'un moteur qui se rapprochait. Un 4x4 bleu marine et aux vitres teintées passa juste à côté d'eux. Les deux flics se plaquèrent au sol en attendant qu'il les dépasse. Puis Blair s'empara de ses jumelles. Jim, lui, focalisa sa vue et son ouïe sur le véhicule d'où il vit sortir… Archibald Jaeger. Au même moment, Umberto Sierra sortit de la cabane et les deux hommes se serrèrent la main. Blair poussa un juron, tandis que Jim maugréait :

— Je me suis fait avoir comme un bleu !

Ellison prit son téléphone cellulaire. Il composa le numéro de Sierra qu'il avait appris par cœur. Blair vit avec étonnement Berto décroché son portable.

— Salut, Sierra. Tu peux me passer le Vieil Archie… Je sais qu'il est à côté de toi. Allez, fais-le.

Sandburg observa le truand qui, d'une main tremblante, tendit son téléphone à son patron.

— Je déteste qu'on se moque de moi, Archibald, gronda Ellison. Alors, tu vas gentiment déposer ton arme à terre… Oui, celle qui déforme ta veste… Et lever les mains en l'air.

Le vieux malfrat regarda en tous sens, cherchant visiblement à les localiser. Il dit quelque chose à Sierra…

— Très mauvaise idée, ça, ajouta Jim. Si Sierra bouge, je lui mets une balle dans le genou. Par contre, il peut appeler son fils… Je sais qu'il est là, Archie. Allez, ordonne-lui de faire sortir Bryan.

Jaeger était livide. Son expression était presque comique. Il paraissait très hésitant.

— Blair, fais le tour du chalet par le nord. Il peut encore nous jouer une entourloupe, fit Ellison. S'ils ne se sont pas exécutés dans deux minutes, je vais leur donner une raison de se bouger les fesses.

Sandburg hocha la tête et s'empressa de faire ce que sa Sentinelle lui avait demandé. Pendant ce temps, Ellison sortit son revolver, ôta le cran de sûreté, tout en suivant la progression de son partenaire dans les sous-bois. Comme il s'apprêtait à viser un point juste au-dessus de la tête de Jaeger, il entendit arriver une autre voiture qu'il reconnut aussitôt grâce au cliquetis familier de sa boîte de vitesse : c'était la voiture de Taggart. Tant mieux, les renforts arrivaient. Et Megan et Joël avaient certainement compris la situation. Le gamin venait d'arriver derrière le tas de bois près du chalet. Des portières claquèrent… Mais Jim se raidit quand il en entendit trois. Un homme de main venait de descendre du 4x4 du Vieil Archie et Ellison reconnut immédiatement l'arme qu'il tenait à la main. Le détective ne réfléchit qu'une poignée de secondes, puis il visa le sbire de Jaeger. La balle l'atteignit au bras, mais Sierra profita de ce moment d'inattention pour filer à l'intérieur, le Vieil Archie, étonnamment rapide pour son âge, parvint à se mettre à l'abri derrière le 4x4. Jim sortit de sa cachette et courut en se mettant le plus possible à couvert, vers le chalet. Megan le rejoignit dans sa course. Taggart tira plusieurs fois pour les couvrir et Blair l'imita de son côté. Un sourire étira les lèvres d'Ellison. Le gamin comprenait vite. Il visait Jaeger qui avait ouvert une portière pour se glisser dans son véhicule. Il réussit à démarrer et le 4x4 se positionna juste devant l'entrée du chalet. Le pare-brise vola en éclat et Jim perçut les battements précipités du cœur du Vieil Archie. Avec Megan, il était maintenant à moins de cent mètres du 4x4 et du chalet. Mais Sierra ressortait en tenant son fils par le revers de sa veste, et il était accompagné par le complice qui l'avait aidé, avec Kassov, à kidnapper son fils. L'armoire à glace tira en direction de Blair, tandis que Berto visait Ellison et Connor. Taggart répliqua à deux reprises puis fut à court de munitions. Jim et Megan devaient choisir entre se mettre à l'abri et viser les malfrats, au risque d'atteindre Bryan. Et le 4x4 leur bouchait à présent la vue. Jim vit bien une ouverture pour viser Sierra, à travers les vitres du tout-terrain, mais Jaeger se redressa à ce moment-là et le visa, lui et sa collègue, alors qu'ils devaient parcourir les derniers mètres à découvert. Ellison attrapa la jeune Australienne par la taille et lui évita de prendre une balle dans la jambe. La jeune femme le remercia d'un signe de tête. Ils avaient trouvé un refuge précaire derrière une brouette que le détective avait renversé. Jim prit quelques secondes pour vérifier son chargeur.

— Ça se présente mal, commenta Megan qui lui désigna l'autre homme de main du Vieil Archie qui s'était relevé et qui, depuis l'arrière du 4x4, était en train de les ajuster.

— Bon sang ! jura Ellison qui repéra un arbre derrière lequel ils seraient plus à l'abri. Il n'eut même pas à le désigner à Connor qui lui emboîta le pas dès qu'il s'élança dans cette direction. Les balles fusèrent. Blair continuait de tirer de son côté et en profita pour viser les pneus du 4x4. Sierra poussa son fils dans le véhicule, son complice eut à peine le temps de se glisser à l'intérieur que le Vieil Archie démarrait en trombe. Un pneu éclata, mais cela eut juste pour effet de dévier un peu la trajectoire du 4x4 qui souleva une gerbe de boue en filant à toute vitesse droit devant lui. Jim voulut viser un autre pneu, mais l'armoire à glace avec son fusil à pompe qui avait pu sauter à l'arrière du tout-terrain l'arrosa, lui et Megan. Le 4x4 poursuivit sa course et on entendit Taggart qui tentait de l'arrêter en lui tirant dessus. Des coups de feu résonnèrent, comme Blair rejoignait Connor et Ellison.

— On ne va pas les laisser filer, tout de même ! s'exclama le jeune homme.

— Ils vont être ralenti avec leur pneu, jugea Connor. Poursuivons-les.

Jim approuva d'un signe de tête. Ils coururent jusqu'à la voiture de Taggart qui était déjà au volant. Joël conduisit Jim et Blair jusqu'au pick-up et les deux voitures se lancèrent à la poursuite du 4x4. Ellison avait pris la tête.

— Tu les as repérés ? lui demanda son Guide, comme ils arrivaient à un carrefour. La Sentinelle prit quelques instants avant de lui répondre.

— Oui, il faut prendre à gauche, j'entends le bruit de leur pneu sur l'asphalte. C'est comme s'ils nous criaient de venir les arrêter.

— Mais comment on va faire, avec le gosse ?

Jim ne répondit pas, concentré sur la conduite. Les virages étaient plutôt serrés, dans le coin. Il vérifia dans son rétroviseur que Joël et Megan les suivaient toujours. La jeune femme avait son portable et devait appeler des renforts. Ellison accéléra en profitant d'une petite portion de ligne droite, puis freina et donna un brusque coup de volant pour aborder un virage au bout duquel il vit le 4x4.

— Attention, Jim ! s'exclama Sandburg en lui désignant une grosse flaque sur le bord de la route qu'ils serraient de trop près.

— Oui, grand chef, j'ai vu, maugréa Ellison qui rectifia sa trajectoire, mais perdit ainsi quelques précieuses secondes. Le moteur ronfla ensuite bruyamment quand il accéléra de nouveau.

— Comment fait-il pour aller si vite avec un pneu crevé ! jura Blair en voyant le 4x4 prendre un virage vraiment très sec, avant de se ruer sur un chemin qui plongeait dans les bois.

— C'est à cause de ses quatre roues motrices. Et il a compris qu'il devait quitter le bitume. Taggart va bousiller sa voiture en nous suivant là-dedans.

Blair remarqua le panneau caché par des branchages comme ils s'engouffraient à leur tour dans la forêt.

— Il se dirige vers un lac.

Ellison hocha la tête. Il avait remarqué la présence du plan d'eau en étudiant la carte pour venir ici. Le détective espéra qu'il n'y aurait pas de bateau dans lequel Jaeger et sa clique pourraient s'enfuir. La camionnette patina comme ils roulaient sur une flaque de boue masquée par des feuillages. Mais Jim parvint à le sortir de là. Par contre, Taggart eut moins de chance et s'embourba.

— Pas le temps de les attendre, fit Jim. Dis-leur qu'on continue, ajouta-t-il à l'adresse de son partenaire en lui désignant la radio. Blair s'exécuta aussitôt et parla aussi du lac à Megan. Celle-ci leur dit d'être prudents, puis coupa la communication.

— A deux, ça ne va pas être évident, fit remarquer le gamin, vue ce qu'on a fait à quatre tout à l'heure.

— Tu préfères qu'on laisse tomber ?

— Je me dis surtout que j'ai intérêt à assurer, rétorqua Sandburg.

— Je ne m'inquiète pas pour ça. Tu t'es déjà très bien débrouillé tout à l'heure. Ecoute, grand chef, une bonne fois pour toutes, tu es un bon flic, arrête de te faire du mouron pour ça.

— Mais on est à deux contre quatre !

— Une Sentinelle et son Guide contre des malfrats, moi, je trouve ça équilibré.

— Tu es complètement dingue, soupira Blair.

— Occupe-toi de Bryan, OK ? Je fais le reste.

Ils arrivaient au lac. Le 4x4 était arrêté près de la rive, Sierra, Bryan et Jaeger couraient vers un petit quai, tandis que les hommes de main du Vieil Archie couvraient leurs arrières. Ils tirèrent sur la camionnette dès que celle-ci fut en vue.

— Baisse la tête ! ordonna Ellison à son partenaire qui ne se fit pas prier pour s'exécuter. Jim conduisit en zigzag, tout en continuant à foncer droit vers les sbires de Jaeger. Il était décidé à pousser son véhicule le plus loin possible, quitte à la bousiller. Tant pis pour les assurances qui allaient encore lui sauter à la gorge. La vie d'un gosse ou ça, le choix était vite fait pour lui. La camionnette bondit sur une espèce de marche, les acolytes du Vieil Archie comprirent au dernier moment ce que le flic était en train de faire. Dans une sorte de rugissement, la camionnette fit une embardée et faucha celui qui tenait le fusil à pompe. Cette fois-ci, il toucha le sol pour ne plus se relever. L'autre parvint à s'écarter suffisamment pour échapper à la conduite furieuse d'Ellison. La camionnette dérapa et alla taper contre des taquets. Tout le côté droit fut éraflé. Quand Jim bondit hors de la camionnette, Blair dut le suivre en passant par le côté conducteur. Ellison visa le deuxième complice, lui somma de déposer son arme, mais comme l'autre, tout au contraire, le visait, lui et Sandburg, il lui tira dans le genou. Le malfrat s'écroula en poussant un hurlement de douleur et lâcha son arme.

Blair et Jim se dirigeaient déjà vers le bord du lac. Jaeger et Sierra poussaient Bryan dans une barque de pêcheur toute rouillée. Ils n'iraient pas loin avec ça, eut le temps de penser Sandburg, avant que Berto ne les canarde. Blair remarqua l'air paniqué de Bryan. Comment un père pouvait-il faire une chose pareille à son fils ? Le gosse était tétanisé au milieu de la barque. Sandburg ne voyait plus que lui. Le reste de la scène semblait se dérouler au ralenti.

— Les imbéciles sont en train d'user leurs munitions, entendit-il s'esclaffer son coéquipier. Sierra fut le premier à se débarrasser de son pistolet pour se précipiter vers le moteur de la barque et tenter de le mettre en route. Jaeger le rejoignit aussitôt et Jim en profita pour se ruer vers eux, Blair sur ses talons. Evidemment, la barque ne supporta pas la brusque surcharge provoquée par l'arrivée fracassante d'Ellison. Tout le monde se retrouva à l'eau. Le Vieil Archie chercha aussitôt à rejoindre le rivage, Jim se battait avec Sierra. Blair, lui, ne se préoccupa que de Bryan. Le gosse faisait de grands gestes pour tenter de rester à la surface. Sa tête disparut brusquement sous l'eau et Sandburg plongea pour le récupérer. Il eut du mal à le remonter à la surface. L'enfant toussait et hoquetait. Il s'accrochait désespérément à Blair qui avait du mal à nager.

— Calme-toi ! lui ordonna ce dernier. Sinon, on va couler.

Il réussit finalement à attraper Bryan par les épaules et à le ramener vers la grève. Jim continuait de se bagarrer avec Berto. A bout de souffle, Blair réussit à sortir Bryan de l'eau. Le gosse tremblait de la tête au pied et le considérait d'un air misérable. Soudain, il se figea et Blair eut tout juste le temps de voir une ombre dans un coin de son champ de vision. Il ne fut pas assez rapide pour esquiver le coup porté par le Vieil Archie. Ce bonhomme était un vrai démon. La crosse de son pistolet heurta le menton de Sandburg qui vit trente-six chandelles. Sonné, il s'écroula sur le sable et lutta pour rester conscient. Jaeger lui envoya son pied dans l'estomac. Blair en eut le souffle coupé. Comme un voile noir s'abattait devant ses yeux, il entendit une voix familière crier :

— Jaeger, ne bougez plus ! Lâchez votre arme !

C'était Megan. Sandburg entendit le bruit sourd du pistolet du Vieil Archie qui tombait dans le sable, puis plus rien.

***

Une fois qu'il eut passé les menottes à Berto, Jim se précipita vers son coéquipier. Blair était étendu sur le sable, les yeux fermés. Megan s'occupait du Vieil Archie et Taggart du gosse. Sandburg reprit assez vite connaissance et cligna des yeux quand il ouvrit les paupières. Ellison lui tendit la main pour l'aider à se relever. Son Guide se préoccupa aussitôt de Bryan. Il rejoignit Joël et commença à discuter avec l'enfant, pendant que Jim rejoignait Connor.

— Content de vous revoir, s'adressa-t-il à sa collègue.

— On n'allait pas se laisser arrêter par une flaque de boue, fit cette dernière. Jim passa sa main dans ses cheveux trempés.

— Le reste de la cavalerie ne va pas tarder à arriver, assura-t-il en percevant le bruit lointain des sirènes. Merci encore du coup de main.

— Y a pas de quoi.

Ellison attrapa Archibald Jaeger par le bras et lui balança :

— Je vais prendre un plaisir particulier à vous voir derrière les barreaux.

Il le confia ensuite à Megan et revint vers le groupe formé par Joël, Bryan et Blair.

— On va joindre ta mère dès que possible, disait Sandburg au gosse. Tu sais, elle s'inquiète beaucoup pour toi.

— Et mon père ? demanda le garçon. Que va-t-il devenir ?

— Il va aller en prison, répondit Ellison. Il ne te fera plus de mal.

Bryan baissa les yeux et parut réfléchir un long moment :

— Il reste mon père, malgré ce qu'il a fait.

Jim se baissa vers lui, tout en posant sa main sur l'épaule de Blair.

— Bien sûr que oui, fit ce dernier.

— Merci… de m'avoir sauvé la vie, murmura le gosse. Je… Je ne sais pas nager.

Il claquait des dents. Ses lèvres étaient bleues et il tremblait de la tête aux pieds. Blair le frictionna pour tenter de le réchauffer un peu. Ellison se pencha vers lui et lui murmura que les renforts allaient arriver.

— C'est vrai, renchérit Bryan, je les entends.

Les regards des deux Sentinelles se croisèrent et ils se fixèrent pendant de longues minutes. Le garçon ouvrit la bouche pour dire quelque chose, au moment où Megan appelait Taggart. Quand celui-ci se fut suffisamment éloigné, Ellison confia à Bryan :

— On est pareils, tous les deux. On peut voir et entendre des choses que les autres ne perçoivent pas.

Le garçon ne put que hocher la tête. Jim ajouta :

— Tu n'es pas un monstre. Et tu n'es plus tout seul.

***

Jim avait fini de faire son rapport à Simon et revenait vers l'ambulance en serrant contre lui la couverture qu'on lui avait donnée. Sandburg était assis, l'air pensif, à l'arrière de l'ambulance, un gobelet de café fumant à la main. Ellison sentait bien que quelque chose n'allait pas. Il posa une main sur le genou de Blair, tout en s'asseyant à ses côtés.

— Ça va, grand chef ?

Son partenaire se contenta de hocher la tête.

— Tu as pourtant l'air contrarié, insista sa Sentinelle.

— Qui le serait moins après avoir été mis au tapis comme moi tout à l'heure. Je fais vraiment un coéquipier complètement nul.

— Ne dis pas ça.

— Je suis incapable de surveiller tes arrières.

— Tu t'es pourtant bien débrouillé, pendant la fusillade de tout à l'heure. Tu as réussi à éclater un pneu du 4x4, sans cela, je ne suis pas certain que nous aurions pu le rattraper. C'est grâce au bruit du pneu crevé que j'ai pu le repérer. Ton intuition était aussi la bonne, pour le chalet. Nous avons surpris Jaeger et Sierra alors qu'ils s'apprêtaient justement à utiliser Bryan pour cambrioler une banque. Tu te rends compte ! A ta place, je serais plutôt fier de tout ce que j'ai réussi à accomplir en si peu de temps.

— Je me suis pris une raclée !

Jim haussa les épaules.

— Dis-toi que tu n'es pas Rambo et que ça arrive à tout le monde.

— Pas à toi ! rétorqua Sandburg.

— Tu plaisantes, j'espère, fit Ellison, avec un drôle de sourire. Je me suis arrêté dans le compte de mes KO. Mais pourquoi est-ce que tu réagis comme ça, grand chef ? Ce n'est pourtant pas la première fois que nous appréhendons des suspects, tous les deux, et que ça ne se passe pas tout à fait comme prévu.

— Oui, mais maintenant, c'est différent.

— Parce que tu es flic ?

— Oui, admit Sandburg. Avant, mon incompétence était excusable…

— Pardon ? Ton incompétence ? répéta Ellison en détachant chacun de ses mots. Il me faudrait un bon moment pour faire la liste de toutes les fois où c'est justement toi qui nous as remis sur la bonne piste… Oh, d'accord, reprit Jim, après s'être interrompu. Tu n'es pas un as de la gâchette, tu ne te précipites pas sur le capot de la première voiture suspecte qui passe, mais je crois qu'un casse-cou dans l'équipe, ça suffit. Tu es le meilleur coéquipier que je pourrais souhaiter avoir. Ta petite cervelle – il frappa gentiment la tempe de son partenaire – est bien plus efficace que si tu dégainais à tout va.

— Tu dis ça pour me faire plaisir.

— Tu crois que c'est mon genre ?

Blair leva vers Jim un regard empli de doutes et d'espoir. Ellison dut se faire violence pour ne pas le prendre dans ses bras et le serrer contre lui.

— La seule idée qu'il pourrait t'arriver quelque chose par ma faute me rend dingue, man.

— Et tu ne crois pas que ça me traverse l'esprit aussi ? Mais… j'ai décidé de nous faire confiance.

Sandburg ne masqua pas sa surpris.

— Cela ne m'empêche pas de m'inquiéter pour toi à chaque fois qu'on est sur le terrain, poursuivit Jim, mais nous avons accepté tous les deux de prendre des risques, cela fait maintenant partie de notre vie. Tu nous vois arrêter tout ça du jour au lendemain ?

— Non, reconnut le gamin. J'aime aider les autres. C'est une des choses les plus importantes que tu m'aies apprises.

Cette fois-ci, Jim ne put résister à l'envie de glisser son bras autour des épaules de son Guide et de le serrer contre lui.

— Maintenant, lui chuchota-t-il, je suis bien décidé à te montrer tous les jours de ma vie, combien je suis heureux de t'avoir à mes côtés.

Un raclement de gorge les fit sursauter tous les deux. Megan se tenait devant eux, une lueur amusée dansant dans ses yeux.

— Excusez-moi de vous déranger, messieurs, mais je voulais vous prévenir que Joël et moi ramenons Bryan à sa mère. On peut peut-être jouer les taxis.

Elle désigna d'un geste la dépanneuse qui était en train de récupérer la camionnette. Jim grimaça.

— Mon assureur va m'étriper.

— Je vais proposer au service de se cotiser pour vous offrir un char d'assaut… ou une trottinette, j'hésite entre les deux, l'asticota Connor.

— Donnez-moi plutôt l'adresse d'un bon garagiste. Le mien commence à trop se frotter les mains à chaque fois qu'il me voit arriver, fit Jim en se levant. Blair l'imita et ils rejoignirent Taggart et Bryan qui étaient déjà dans la voiture.

***

Blair se glissa avec bonheur sous l'eau chaude et profita longuement de la douche, se lavant de sa fatigue et de ses peurs. Jim était retourné au central pour suivre l'interrogatoire de Sierra et Jaeger. Sandburg profita de ces instants de solitude pour repenser à l'idée qu'il avait eu en raccompagnant Bryan auprès de sa mère. Il se demandait comment il allait l'annoncer à sa Sentinelle. Celle-ci allait certainement mal le prendre. Cela risquait de changer beaucoup de choses dans leur vie, mais pour lui, c'était vraiment très important. Jim comprendrait. Il aurait du mal à l'admettre, mais il s'y ferait, tenta de se persuader le jeune homme en se savonnant vigoureusement. Plus il y réfléchissait, de toutes façons, et plus il se disait que tous ces concours de circonstances étaient là pour lui montrer la marche à suivre. Cela ne l'empêchait pas de se demander dans quoi il allait se lancer. Ce qu'il envisageait devait certainement être inédit, sinon, il en aurait entendu parler.

Quelques minutes plus tard, il sortit de la salle de bains, vêtu d'un sweat bleu clair et d'un jean noir, en se frictionnant les cheveux. Il alla chercher un carnet dans sa chambre et le feuilleta d'un air décidé. Il commença à noter quelques petites choses sur une feuille, hocha la tête avec satisfaction et se laissa aller en arrière. Ça pouvait marcher, mais il ne devait pas perdre de temps. Il tourna la tête en entendant le bruit familier de la clef dans la serrure. Jim entra et le salua d'un sourire.

— Comment ça s'est passé ? lui demanda Sandburg.

— Sierra s'est littéralement liquéfié sur place. Il a tout balancé, en chargeant Jaeger un maximum, mais il n'en reste pas moins que c'est lui qui a orchestré l'enlèvement de son fils. Par contre, selon lui, il n'est absolument pour rien dans l'initiative de Kassov. Celui-ci a décidé de lui-même de t'enlever, en pensant que tu saurais raisonner le gosse pour qu'il coopère plus facilement.

Le ton de Jim s'était durci, comme il prononçait ces mots.

— Jaeger avait pour projet d'utiliser Bryan pour forcer le coffre de la banque Rockley. Et puis après… – Ellison eut un geste vague – pourquoi pas voir de plus en plus grand ? C'est vraiment une pourriture. La drogue ne lui suffisait plus, il voulait en plus devenir le roi de la cambriole en utilisant un enfant. Simon va tout faire pour que Berto et lui en prennent un maximum.

— Est-ce la bonne solution ? Je veux dire… pour Bryan, ajouta Blair devant l'air outré de son coéquipier.

— Au moins, il pourra grandir tranquille sans craindre que son père ne vienne le kidnapper à tous moments. Surtout qu'il y aura le témoignage de sa mère pour le charger encore plus. Quand Sierra sortira de prison, Bryan sera tout à fait capable de se défendre contre lui.

— Peut-être, mais il aura vu sa mère dénoncer son père et celui-ci sera en prison : il ne pourra jamais l'emmener à un match de basket ou des choses comme ça…

— Je ne pense pas que ça ait jamais fait partie des plans de Berto, rétorqua Jim d'un ton pincé.

— Mais ça fait partie des miens, murmura doucement Blair.

— Que veux-tu dire par là ? lui demanda son partenaire en venant s'asseoir à côté de lui sur le canapé.

— Je ne veux pas que tu prennes mal ce que je vais dire, mais… j'aimerais m'occuper de Bryan…

Les yeux de Jim lancèrent des éclairs. Ses traits se crispèrent, ses poings se serrèrent, et puis, il se calma d'un seul coup, détourna son regard quelques instants, avant de plonger ses yeux dans ceux de son Guide.

— Pourquoi ?

— Parce qu'il a besoin qu'on l'aide. Ecoute, je n'ai pas envie de… de… te trahir. Ce n'est absolument pas ça, mais je pense que je peux épauler Bryan et l'aider à maîtriser son don. Et cette fois-ci, je ne veux aucun malentendu, comme ce qui s'est passé avec Alex Barnes.

— Tu remets tout le temps ça sur le tapis, maugréa Ellison.

— Parce que je sais que cela t'a blessé. Il n'empêche que…

— Tu as raison.

— Quoi ?

Blair écarquilla les yeux.

— Cela ne m'enchante absolument pas, crois-moi, de l'admettre, mais tu es dans le vrai, poursuivit sa Sentinelle d'un ton étonnamment posé. Tu es un Guide, toi mieux que personne pourras montrer à ce gosse que son don n'est pas une malédiction… comme tu as su me le prouver. Il n'en reste pas moins… que je suis jaloux. C'est plus fort que moi, se défendit Jim, en voyant son coéquipier sur le point de protester. Je déteste te partager.

— Il ne pourra jamais y avoir entre Bryan et moi ce qui existe entre nous deux, assura Blair en posant sa main sur l'avant-bras de son partenaire. Pour lui, je ne serai qu'une solution de remplacement, en attendant… pourquoi pas… qu'il trouve lui aussi son Guide.

— Tu crois que ça marche comme ça ?

— Eh bien, regarde tes parents.

— Ça a été un fiasco, lui fit remarquer Ellison.

— Parce qu'on ne leur avait pas appris ce qu'il fallait faire. C'est une chance que je veux donner à Bryan. Tu ne crois pas que ce serait mieux de lui éviter tout ce qu'on a traversé, en lui offrant les bonnes cartes dès le début.

— Oui, bien sûr, admit Jim. Son expression fit sourire son coéquipier. On voyait vraiment les efforts qu'il faisait sur lui-même pour se ranger à l'avis de son Guide.

— Tu as quand même le droit d'être jaloux, ajouta le jeune homme. Sa Sentinelle le fixa avec stupeur. Blair se pencha vers lui et l'embrassa. Jim réagit immédiatement et le captura dans une brusque étreinte. Sandburg eut soudain l'impression que la journée avait été interminable depuis le moment où il avait dû quitter les bras de son amant. Sa Sentinelle s'interrompit, alors qu'il couvrait sa gorge de baisers, se régalant de la saveur de sa peau. Il prit le visage de Blair entre ses mains et le contempla un long moment :

— Je souhaite à Bryan de trouver un Guide aussi extraordinaire que toi.

Sandburg laissa échapper un rire gêné. Ce genre de déclaration venant d'Ellison était plutôt inhabituelle.

— Je suis sérieux, affirma Jim. J'ignore si toutes les Sentinelles se ressemblent, mais je t'ai donné nombre d'occasions de m'envoyer paître. Tu aurais pu tout aussi bien me planter là, avec mes problèmes, mes humeurs et ma mauvaise foi.

Blair secoua la tête.

— Cela ne m'a jamais traversé l'esprit.

— Vraiment ? insista son coéquipier.

— Bon, si, une ou deux fois, peut-être, mais je ne regrette pas d'être resté. Le jeu en valait vraiment la chandelle.

— Merci…, chuchota Jim d'une voix étranglée. Son Guide le considéra avec un mélange de surprise et de joie.

— Ce jour est à marquer d'une pierre blanche, dit-il avec un large sourire, tout en se rapprochant lentement de sa Sentinelle. Seulement, vois-tu, ce soir, je ne compte pas me contenter d'un simple mot.

Il se pelotonna contre son partenaire et commença à déboutonner son gilet puis sa chemise. Jim tressaillit quand les doigts de Blair caressèrent sa gorge, les muscles de sa poitrine. Il se força cependant à ne pas bouger pour laisser son Guide en faire à sa guise. Mais il savait déjà qu'il ne tiendrait pas longtemps. Le gamin s'amusait visiblement à le rendre fou, par de petits baisers qu'il égrenait de son sternum à son nombril. Blair enleva son sweat d'un geste preste et revint se nicher contre Ellison. Il savait qu'il aimait ce contact peau contre peau. Jim huma le doux parfum qu'exhalaient les boucles auburn de son amant, tandis que celui-ci s'attaquait à présent à la boucle de sa ceinture. Mais la Sentinelle ne laissa pas son Guide poursuivre plus avant. Il le renversa sur le canapé et le couvrit de son corps. Ses mains impatientes défirent les boutons du jean de Blair et celui-ci gémit quand les doigts de son partenaire se frayèrent un chemin sous le tissu de son caleçon, libérant son bas-ventre. Le gamin avait les yeux grands ouverts, l'océan de ses yeux troublé par le plaisir que faisaient naître les caresses de sa Sentinelle.

— Jim, supplia-t-il d'une voix rauque en soulevant légèrement ses hanches à la rencontre de son amant.

— Un peu de patience, grand chef, répondit Ellison avec un sourire. J'ai bien l'intention de te remercier comme il se doit.

Il étouffa un nouveau gémissement de Blair sous un baiser. Mais quand il voulut s'écarter pour reprendre son souffle, son Guide lui laissa à peine le temps de respirer et le retint en nouant ses bras autour de son cou pour sceller ses lèvres aux siennes. Ses gémissements se perdirent dans cette étreinte comme une vague de plaisir irrépressible s'emparait de lui. Jim le sentit trembler contre lui. Le souffle court, il fallut un long moment au gamin avant de reprendre ses esprits. Jim caressa ses cheveux humides, s'amusant de les voir s'enrouler autour de ses doigts. Comme il se redressait, Blair lui confia :

— J'aime bien te sentir contre moi…

Il rougit aussitôt à ces paroles.

— Tu… te souviens, quand j'étais sous l'emprise de la dorée…

— Oui, dit Jim que ce souvenir fit frémir.

— Je ne te l'ai jamais dit, mais… J'ai gardé le souvenir de cette sensation… la chaleur quand j'étais dans tes bras. Je crois que c'est à partir de ce jour-là que j'ai su… que j'ai espéré ce qui nous arrive aujourd'hui, avoua Sandburg dans un souffle. Ses yeux semblaient chercher une réponse sur les traits de sa Sentinelle. Jim sentit les mots monter dans sa gorge, mais ils ne franchirent pas la barrière de ses lèvres et il demeura silencieux. Il préféra prendre le carnet de Blair, tandis que celui-ci se redonnait contenance. Ellison essaya de faire abstraction de sa présence à ses côtés, même s'il était conscient qu'une nouvelle fois, il dressait des barrières entre lui et son Guide. Mais il ne se sentait pas prêt… pas encore… à donner ce que ce dernier attendait sûrement. Il commença à parcourir les notes du gamin pour se donner une contenance et ce qu'il lut le surprit de plus en plus.

— Tu as l'intention d'écrire un manuel pour Bryan ?

— Oui, fit Blair en s'installant à côté de Jim, épaule contre épaule. Autant que ma thèse serve à quelque chose, et pourquoi pas à l'aider, justement.

— Tu vas lui parler de moi, alors ?

— C'est la meilleure référence que je puisse lui donner, répondit le gamin. Ne t'en fais pas, je ne lui parlerai pas de ta paranoïa…

— Très drôle, grimaça Ellison. C'est quoi ce gros point d'interrogation ?

— J'étais en train de chercher… des principes à mettre tout de suite en avant, pour définir ce qu'est une Sentinelle.

— Tu ne l'avais pas fait pour ta thèse ?

— Si, mais je m'adressais à des universitaires, pas à un gosse. Je dois faire quelque chose de plus simple. Et d'ailleurs, si tu m'aidais…?

— Moi ? Je ne suis pas l'intello de service ! s'exclama Jim.

— Oh ! allons… Je suis pourtant certain que tu aurais des tas de choses à apprendre à Bryan. Tu n'as pas envie de lui dire tes quatre vérités à propos des Sentinelles ? C'est le moment où jamais.

— Quatre vérités, hein ? hésita Ellison. Blair se laissa glisser en bas du canapé et attrapa de quoi écrire avant de lever les yeux vers son coéquipier qui continuait de chercher ses mots. Mais comment faisait-il pour être aussi… à l'aise après ce qui venait de se passer entre eux ? Le regard de Jim s'égara sur la courbe de son cou… Il secoua la tête. Ce n'était pas le moment ! Le gosse attendait toujours sa réponse.

— Une Sentinelle doit… utiliser son don pour la bonne cause, lança-t-il avec une moue dubitative.

— Evidemment, sourit Sandburg, je me doutais un peu que tu commencerais par ça. Tu penses vraiment que c'est ce qui définit en premier lieu une Sentinelle ? Là, c'est le flic qui a parlé.

— C'est ce que je suis, je te signale, et toi aussi, maintenant.

— Oui, bon, d'accord, mais essaie de faire quelque chose d'un peu moins… impersonnel. Sinon, je n'ai qu'à recopier le manuel du super-héros et on en reparle plus.

Jim lança un regard en coin à son Guide, mais il ne put réprimer un sourire devant son expression hilare.

— Dis-moi simplement ce que t'inspire le mot Sentinelle, tenta de l'aider le gamin. Jim eut soudain très envie de l'embrasser en le voyant mordiller le crayon.

— Je dois protéger mon Guide, répondit impulsivement Ellison en caressant des yeux les lèvres de Sandburg.

— C'est la première pensée qui te vient à l'esprit ? s'étonna Blair. Le cœur de Jim s'emballa quand il le vit simplement glisser une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

— Oui, c'est toi qui me viens tout de suite à l'esprit, souffla Ellison, car si je suis une Sentinelle, c'est grâce à toi. Il ne suffit pas d'avoir ce don, il faut aussi savoir l'utiliser et sans toi… Sans toi, je n'y serais jamais parvenu… Je serais sans doute devenu fou. Quand tu dis Sentinelle, je pense à Guide, c'est comme ça, ajouta Jim avec un haussement d'épaules. Je crois que Bryan doit prendre conscience qu'il n'est pas seul. Et puisque tu penses qu'il aura lui aussi un Guide un jour, peut-être faut-il commencer par l'y préparer.

— Intéressante théorie, marmonna le gamin en écrivant quelques mots en toute hâte. Autre chose ?

— Oui, quelque chose que tu m'as appris ces derniers jours, reprit son coéquipier d'une voix rauque. Faire confiance à son Guide. C'est certainement la partie la plus difficile, parce que ça implique de se livrer totalement à lui…

— La réciproque est aussi valable, commenta Sandburg.

— Même si cela peut paraître effrayant, poursuivit Ellison en ignorant son interruption, le regard dans le vague, Bryan devra abaisser ses barrières devant son shaman. Une Sentinelle et un Guide ne doivent faire qu'un…, affirma Jim avec force. Blair le considéra un moment d'un drôle d'air. Oui, je sais, tu me l'as souvent répété, et j'ai mis très longtemps à le comprendre. Mais Bryan est plus jeune, ça rentrera peut-être plus facilement dans sa petite cervelle.

Le gamin ne répondit pas et recommença à écrire. Son partenaire l'observa un long moment. Les mots lui démangeaient de nouveau la gorge. Dis-le, bon sang, se morigénait-il. Il déglutit avec peine et pensa un moment aller chercher un verre d'eau, tant sa bouche était devenue sèche.

— Et la quatrième vérité ? demanda finalement Sandburg.

— Je ne suis pas sûr qu'elle puisse figurer dans ton manuel, murmura Ellison d'une voix tremblante.

— Ah oui ?

Le regard bleu de Blair le transperça de part en part quand il leva de nouveau la tête vers lui.

— Pourquoi ça ?

— Parce qu'elle appartient peut-être à chaque Sentinelle et à son Guide.

— De quoi veux-tu parler au juste ? insista Sandburg.

— De ce que j'éprouve pour toi.

Les mots étaient sortis presque contre sa volonté. Cette fois-ci, Blair posa son crayon et sa feuille pour se mettre à genoux en s'appuyant sur la cuisse de son partenaire. Jim caressa sa joue en luttant pour laisser enfin sortir ce qui le brûlait de l'intérieur. Trois mots. Il les avait déjà dit à des femmes et il pensait que ça avait toujours été avec sincérité. Il les avait perdues à chaque fois. Il craignait à présent qu'en les disant à son Guide, celui-ci ne subisse le même sort. Mais s'il gardait le silence, la même chose se produirait, il en était conscient. Il ne devait pas commettre la même erreur que son père et oublier ces mots dans son cœur simplement par peur de ce qu'ils signifiaient.

— Ma quatrième vérité…, commença Ellison, c'est que… je t'aime.

Sandburg écarquilla les yeux et le fixa un long moment avant de murmurer :

— Je t'aime aussi, man.

Jim sentit quelque chose se rompre en lui et il se rendit soudain compte qu'il pleurait. Il s'essuya les yeux et contempla sa paume humide avec étonnement. Blair prit sa main dans la sienne et y déposa un baiser. Et quand son regard rencontra celui d'Ellison, ce dernier y vit le reflet de sa délivrance. Il serra tout à coup son Guide contre lui, enfouissant son visage dans la douceur parfumée de ses cheveux. Blair lui rendit son étreinte et lui murmura à l'oreille :

— Enquiri et Shaman. Nous ne sommes qu'un.




Fin.
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kaisa12
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MessageSujet: Re: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitimeLun 23 Mai - 19:22

bravo,
de toute les fic que j'ai pue lire sur "the sentinel" celle là est de loin ma préféré.

continu comme ça.
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stephanie
Stagiaire CSI
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stephanie


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MessageSujet: Re: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitimeLun 23 Mai - 21:55

c'est une des premières fics de sentinel que j'ai lue
J'ai vraiment bien aimée.
Tu devrais en écrire d'autre bravo bravo bravo bravo
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MessageSujet: Re: Les quatre vérités - Yphirendi   Les quatre vérités - Yphirendi Icon_minitime

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