Une 'tite fic avec ce cher Kerensky pour changer. Bonne lecture ^^
Scilia
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Me voila de retour après deux semaines de vacances. C’était long et court à la fois. Je salue le vigile à l’entrée d’un signe de tête, il me renvoie un sourire charmeur. Il parait que j’ai cet effet là sur les hommes. Je ne m’en suis jamais préoccupée. Je suis bien loin de ces minettes qui font attention à être à la pointe de la mode, qui ne mettent jamais de chaussures blanches après le 15 mars et qui espèrent tomber sur le prince charmant chaque fois qu’elles sortent. Certes, je ne dénigre pas les robes de soirée longues une fois de temps en temps mais mon style c’est le jean, accompagné généralement d’un débardeur et d’un blouson de cuir noir ou encore d’un manteau à la matrix. L’ascenseur me mène, avec sa lenteur habituelle, dans les entrailles du groupe W. Ma carte d’identification est déjà dans ma main, Kerensky m’a donné le nouveau code hier, lorsque je l’ai eu au téléphone. Le connaissant, il doit déjà être arrivé, à moins qu’il ne soit pas encore parti. Ce russe est un être étrange et complexe. Alors que je m’attendais à voir son regard céruléen m’observer au-dessus de ses fines lunettes, j’ai la surprise de découvrir Simon avachi sur son poste de travail. Pour un peu, il lui manquerait un léger filet de bave dégoulinant du coin de la bouche et quelques ronflements sonores… ah non, ils sont là, constatais-je avec un sourire amusé.
— Simon…
— Grmmrrrr.
Tiens, il a inventé un nouveau langage ? Je m’approche et le secoue doucement par l’épaule mais je n’obtiens guère de réaction. J’envisage une solution plus radicale pour le réveiller mais… il risque de m’en vouloir, songeais-je tout en prenant la carafe posée près de la cafetière au fond de la pièce. Alors que je m’approche, un sourire vicieux sur le visage, notre dormeur se redresse brusquement.
— Je jure de ne pas avoir couché avec elle, votre honneur ! s’écrit-il avec promptitude.
— Euh… Simon ?
— Val… quelle heure… déjà 8h !
— Contente de te voir aussi.
— Ah… euh… oui, salut. Tu peux me dire ce que tu fais avec cette carafe ? demande-t-il en reprenant ses esprits.
— Rien… rien, éludais-je en reposant l’objet à sa place. Que fais-tu là ? Ton appartement est envahi par un troupeau de minettes en furie ?
— Non, je… en fait…
Je sais déjà que ce qu’il va me dire ne va pas me plaire. Je sais aussi que c’est grave, si grave qu’ils ont préféré ne pas m’en parler car j’aurais probablement écourté mes vacances. Je sais aussi que je ne vais pas pouvoir m’empêcher de leur en vouloir même si cela partait d’un bon sentiment.
— Où est Kerensky ? demandais-je pour couper court aux tergiversations de Simon.
— Il ne viendra pas… aujourd’hui.
— Simon, je te conseille de me dire ce que tu as à m’apprendre si tu ne veux pas que je vide le chargeur de mon P99 dans ton ventre !
Je ne l’aurais pas fait. Il le savait aussi bien que moi mais je devais avoir cet air menaçant qui me seyait si bien quand j’interrogeais un suspect dans ce lointain passé où j’étais encore inspecteur de police. Mon physique est en total opposition avec ma manière d’être, ce que constataient souvent les criminels après quelques minutes passées en ma compagnie. Il faut dire que j’adorais voir leurs visages blêmir une fois qu’ils avaient compris jusqu’ou je pouvais aller pour obtenir ce que je voulais. Simon a toujours les yeux braqués sur moi. Il est gêné, il ne sait pas comment s’en sortir et, si Largo et Joy n’étaient pas en déplacement, il n’aurait sûrement pas été chargé de cette difficile et lourde tache.
— Il y a eu…
— Simon, soit bref.
— Il est sorti de l’hôpital hier.
Je n’ai pas besoin d’en savoir plus pour le moment. Alors que j’affiche toujours un visage neutre, mon cœur vient de faire un bond dans ma poitrine. Georgi, pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Je sens que Simon veut poursuivre mais je ne lui en laisse pas l’occasion. Il faut que je le voie. Immédiatement. Je suis déjà dans la cabine de l’ascenseur quand Simon tente de me rattraper. J’entends quelques mots avant que les portes ne se referment. Il vient de confirmer que Kerensky se terrait dans son appartement.
***
8h15… elle ne va sans doute pas tarder. Je sais déjà ce qu’elle va dire. Nous avons cette étrange capacité à pouvoir nous comprendre sans avoir besoin de mots inutiles. J’aurais du lui en parler… peut être mais si je ne l’ai pas fait, c’était… c’était pourquoi déjà ? Je ne sais plus. Les drogues qu’ils m’ont administrées pour calmer la douleur après l’explosion ne semblent pas s’être tout à fait dissipées. Je ne prends plus d’antalgique, juste les petites pilules orangées qui servent pour lutter contre l’infection. La douleur, je peux la maîtriser… ou presque.
8h28… elle ne doit plus être loin maintenant. Je l’imagine parfaitement sur sa moto, maîtrisant le puissant engin comme s’il s’agissait d’un simple vélo. La première fois, j’avais été surpris qu’une femme aussi… si elle m’entendait la qualifier de frêle, elle me ferait sûrement mordre la poussière pourtant… je ne vois pas d’autre mot pour décrire cette sensation. Je n’en ai pas non plus pour décrire exactement ce que je ressens pour elle. Nos relations ne sont pas vraiment définies. Officiellement, nous sommes collègues… peut-être amis. Officieusement, nous avons cédé au pêché de la chair deux ou trois fois et je dois bien avouer que je recommencerai volontiers. Je donnerais cher pour connaître à nouveau la douceur de son corps contre le mien, sentir son souffle sur mon visage, ses mains me caresser… je dois être lucide, cela n’arrivera plus, et certainement pas ce matin. Sa visite n’est pas destinée à cet usage.
8h43… des pas dans le couloir. Cela doit être elle bien qu’habituellement, elle soit beaucoup plus discrète. Trois coups secs et brefs résonnent contre la porte. Je me lève pour ouvrir mais je ne vais sans doute pas assez vite à son goût car je vois brusquement le battant s’ouvrir sous un coup de pied bien sentit. Elle ne s’attendait visiblement pas à me voir debout aussi reste-t-elle hébétée quelques secondes… assez pour que je vois des traces d’inquiétude sur son visage qu’elle recompose presque aussitôt en un masque neutre.
— Georgi…
Sa manière de prononcer mon prénom m’a toujours fait frémir. Je n’ai jamais compris pourquoi celui-ci avait ce goût si particulier lorsqu’il venait d’elle. Ses yeux caressent les contours de mon visage… ou plutôt de ce qu’il en reste. Le coté gauche n’a rien, le droit est couvert de pansements. Les médecins ont l’air confiant, la chirurgie réparatrice fera des miracles selon eux mais j’ai perdu mon œil droit à tout jamais. La coque de plastique noire qui le recouvre me semble encore plus hideuse à travers son regard. Je comprends maintenant ce qu’à ressenti la bête dans ce conte pour enfant dont je ne connais pas l’auteur… mais je suis réaliste, la belle ne va pas me sauver d’un terrible maléfice. Je suis condamné à porter un bandeau, tel un pirate de l’ancien temps. Elle n’a toujours rien dit et je lis, dans son regard, qu’elle est passée de la colère à la pitié avant de revenir à l’ire. C’est tellement plus simple ainsi, tellement plus… facile.
— Comment…
— J’étais au mauvais endroit au mauvais moment.
— Je ne plaisante pas Kerensky, lance-t-elle d’un ton sec.
— Le discours de Largo lors de la soirée de l’ONU.
— Pourquoi…
— Ne pose pas la question, si tu connais la réponse.
C’est elle qui m’a appris cette citation que je trouve excellente, même si je ne l’utilise pas souvent cependant... les circonstances semblent s’y prêter. Je vois, à son regard, qu’elle hésite entre me gifler et repartir aussi promptement qu’elle est venue. Elle est déstabilisée et je ne peux m’empêcher de m’en délecter. Je vais lui offrir une porte de sortie… après tout, elle est encore jeune et je suis trop vieux, bien trop vieux pour renoncer à mon indépendance.
— Cela aurait changé quoi, dis moi ? Tu es aussi médecin en plus d’être la plus monumentale casse-pieds que je connaisse ?
Une ombre passe sur son visage juste avant qu’elle ne comprenne ce que j’essaye pitoyablement de faire. Je sens que cela ne va pas marcher, elle ne se laissera pas repousser de la sorte. Par fierté ? Sûrement. Par amour ? Je n’ose pas envisager cette éventualité. J’ai perdu tellement de femmes par le passé, je crois que je ne supporterais pas d’en prendre une de plus.
— Je t’enverrais la note pour la porte.
Elle ne bouge toujours pas et me fixe de ses yeux jades si intensément que j’ai besoin de m’éloigner d’elle. Il faut que je prenne de la distance, que je fasse quelque chose… je ne veux pas qu’elle remarque mon trouble mais alors que je me retourne mais je sens aussitôt sa main sur mon épaule.
— J’aurais voulu, commence-t-elle d’une voix douce ne me laissant aucun doute sur la dissipation de sa colère, être là pour toi comme…
Je lui tourne toujours le dos. Il y avait bien longtemps que quelqu’un ne m’avait pas touché de la sorte. J’ai beau faire celui que rien ni personne n’atteint, je n’en suis pas moins humain, me suis-je rendu compte avec les années. Ses paroles me ramènent moins de deux ans plus tôt. Elle venait de prendre son poste de garde du corps et était alors fiancée à un adjoint du procureur nommé Steven Hayes. Les premiers mois avaient été difficiles. Largo avait été la cible de plusieurs attentats et Hayes désapprouvait de plus en plus de récupérer sa promise à l’hôpital une fois par semaine. Jamais de blessures bien graves mais assez sérieuses pour l’inquiéter. Tout le monde s’amusait de son attitude, même elle bien que ses sentiments envers Steven ne faisait aucun doute. Et puis, il avait été amené à s’occuper d’un dossier explosif. Les journaux en avait fait leurs choux gras, Hayes, qui croyait en la culpabilité de l’accusé proche de la mafia, avait vu sa cote de popularité augmenter. Le procès avait finalement eu lieu, Steven avait gagné, il avait obtenu la peine maximale pour l’accusé… et une condamnation à mort pour lui. C’était elle qui l’avait trouvé alors qu’elle rentrait d’un voyage en Europe avec Largo. Elle habitait avec lui depuis quelques semaines seulement et ils s’étaient disputés avant son départ. Hayes voulait des enfants, une vie plus stable, elle n’en voulait pas et n’avait jamais pu lui expliquer pourquoi car le jour où elle avait voulu le faire, elle l’avait découvert égorgé dans leur baignoire. Sa première réaction avait été de fondre en larme, la seconde de contacter Kerensky pour qu’il l’aide à retrouver l’assassin. Ce qu’il avait fait, comprenant que la justice traditionnelle ne lui donnerait pas satisfaction. Elle avait trop souvent vu des criminels libérés par des juges véreux dans sa carrière d’inspecteur. Cela avait pris deux jours au Russe pour localiser la cible. Il ne lui avait donné l’information qu’à une seule condition : il l’accompagnait. Elle était bien trop dévorée par la haine et l’idée de vengeance pour refuser. Ils avaient loué une voiture sous un faux nom, gagné Boston et retrouvé la trace de leur homme. Il n’avait pas survécu plus de deux heures après cela. Elle s’en était occupée personnellement, refusant l’aide de Kerensky. Ils avaient fait la tournée des bars après être rentrés à New York et s’être débarrassé de la voiture. C’était ce soir-là qu’ils avaient fait l’amour pour la première fois. Ils n’étaient pas ivres, conscients de leurs actes et de ce lien qui les unissait dorénavant, ce secret qu’ils partageaient.
— Tu ne me dois rien.
— Georgi…
— Va-t-en.
Je m’attendais à ce qu’elle obéisse sans discuter. Idiot que j’étais ! Je lui aurais dit de rester, peut-être serait-elle alors parti puisqu’elle semblait comprendre mes mots à l’envers. Au lieu de cela, je sentis ses bras entourer ma taille et sa tête de poser contre mon dos.
— Je ne peux pas.
Ces quatre petits mots me firent bien plus chaud au cœur que n’importe quelle démonstration de sentiment au cours de ma longue vie. Nous sommes restés longtemps dans cette position. J’étais incapable de dire ou de faire le moindre geste. J’avais la sensation d’être entouré d’une bulle protectrice, d’être entouré… d’amour.
***
Et maintenant encore, alors que trois ans ont passé, je ne regrette rien. Je me demande même pourquoi j’ai autant attendu avant de Vivre avec un grand V. Nous avons quitté le groupe W ensemble, à la grande stupéfaction des autres mais cela n’avait plus d’importance. J’ai subi plusieurs opérations de chirurgie esthétique qui m’ont redonné mon ancien visage. Je ne porte plus mon bandeau de pirate, comme elle se faisait un plaisir de l’appeler. J’ai pu bénéficier d’une nouvelle technique de la médecine moderne : un œil électronique, connecté à mes nerfs et qui me permets de « voir ». Nous avons quitté New York peu après ma dernière opération. Comme nous ne savions pas vraiment où nous installer, nous avons acheté un yacht et parcourons le monde au gré de nos envies. Pour le moment, nous sommes dans le sud de la France. Notre prochaine destination, c’est l’Italie. Je n’ai jamais été aussi heureux de ma vie, je ne me suis jamais senti aussi libre… et dire que je dois cela à l’explosion d’une bombe !
FIN
Sujet: La belle et la bete 
Sam 13 Aoû - 22:42
