Les insouciants

Au creux de Fangorn, le domaine des arbres,
La forêt où l’amour seul peut entrer,
Là où règne en sage maître Sylvebarbe
L’être qui traverse toutes les années
Et voit devant lui couler vies futiles
Comme autant de faits tous si délébiles,
Le trésor des Ents, une source sacrée,
Chante. Son eau bénie baigne deux insouciants
Qui n’ont cure du temps, frêles effrontés
Naissant une fois nouvelle : deux petites gens.

Ils sont nus dans leur innocence première,
Blottis sous les feuilles entre ombre et lumière.
Ruisselants de bonheur, ils sont heureux,
Chatouillés par les coquines fleurs de pêche.
Des grappes de glycine lèchent leurs cheveux,
Oubliant quelques pétales dans leurs mèches
Tombant sur leurs nuques, tortillons mouillés
Qui appellent le bout des doigts délicats
A jouer dans les boucles de miel ambré
Ou encore à toucher le chocolat.

Debout, le cœur tremblant, ils goûtent tous deux
Sur la peau nue de leurs hanches découvertes
Et la caresse de l’eau, et la caresse
De l’autre. Rien de vil visible en leurs yeux :
Ils sont clos. Ils s’abandonnent à eux-mêmes
Car ils ont déjà compris la confiance.
Comme l’eau de cette sainte source où ils s’aiment
Le temps peut s’écouler : ils volent la chance.
Les lèvres tièdes sur la joue humide
Balaient sages prêches et existences arides.